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l'ordre juridique comme celle-ci, justice signifie Droit. Or, la loi positive autorise la prescription, comme un moyen juridique légitime c'està-dire juste, d'éteindre les obligations, de sorte que si le débiteur veut l'invoquer et il en fait la preuve, le juge qui connaît du procès devra la déclarer et nul ne pourra qualifier d'injuste la sentence rejetant l'action intentée.

51. Le cours du temps peut avoir pour résultat que l'injustice se convertisse en justice; et le phénomène se réalise tous les jours du fait de la prescription positive et négative, sanctionnée par toutes les législations comme institution d'ordre public et nommée par les jurisconsultes romains, la patronne du genre humain.

52. La partie adverse insinue que le créancier n'a aucune faute à se reprocher, si le temps nécessaire à la prescription s'est écoulé. Mais on oublie, en formulant cette allégation, que la loi à cet égard ne reproche au créancier d'autre faute que d'avoir laissé son action tomber sous le coup de la prescription.

M. EMILIO PARDO. Je demande à la Cour la permission de continuer ma plaidoirie à l'audience prochaine, car je me sens très oppressé.

M. DESCAMPS. Est-ce qu'on ne pourrait pas autoriser Son Excellence à déposer son imprimé, et le considérer comme lu?

M. BEERNAERT. En effet, on pourrait considérer la lecture comme terminée.

M. DESCAMPS. De cette façon, les débats pourraient continuer sans interruption jusqu'à la fin.

M. LE PRÉSIDENT. Absolument. M. l'agent des Etats-Unis s'oppose-t-il à ce que le reste du mémoire ne soit pas lu, et à ce que celui-ci soit déposé?

M. RALSTON. I suppose M. Pardo finds himself fatigued and not entirely prepared to continue, but simply desires an adjournment until Monday. We are perfectly willing to agree to that.

M. ASSER. He perhaps does not understand that it is proposed to consider the oral argument as finished, and to file the printed argument Monday. Has the agent of the United States any objection? M. RALSTON. No.

Sir EDWARD FRY. Then we gain so much time.

M. RALSTON. If I can have it in print Monday I shall not object. M. DE MARTENS. We shall begin Monday.

M. RALSTON. With M. Penfield's remarks.

M. LE PRÉSIDENT. Maintenant, la première partie des débats est close, avec la réserve pour M. l'agent du Mexique de déposer lundi sa plaidoirie imprimée. Alors commencent les répliques. Pour les répliques, d'après les règles de procédure établies par le Tribunal, chacune des parties a le droit de faire parler un conseil.

M. DESCAMPS. Je demande la parole.

M. LE PRÉSIDENT. M. le Chevalier Descamps a la parole.

M. DESCAMPS. Je voudrais faire observer à la Cour que j'ai été victime d'un cas de force majeure qui m'a empêché de parler au jour qui m'était indiqué; je demande la permission de prendre maintenant la parole, car ensuite il me serait impossible de le faire, M. Penfield, juge aux Etats-Unis, ayant évidemment un droit de priorité sur moi; de sorte que la conséquence serait de me rendre victime d'un cas de force majeure absolue, puisque le jour où mon tour de parole est venu était précisément celui de l'inhumation de ma vénérée souveraine. J'espère que la Cour ne voudra pas me tenir rigueur et qu'elle

prendra en considération la situation spéciale dans laquelle je me

trouve.

M. LE PRÉSIDENT. Le Tribunal, vu le cas invoqué à l'appui de votre demande, vous accorde celle-ci, sous la réserve du droit pour la partie adverse de faire aussi répliquer par deux conseils.

M. BEERNAERT. Je pense que nous rentrerions dans les vues de la Cour d'abréger autant que cela se peut les débats en faisant pour les répliques ce que nous venons de faire pour les plaidoiries, de maniére à éviter les répétitions. Il y a deux grandes questions: La réclamation est-elle juste? Y a-t-il chose jugée? Nous nous sommes distribué la tâche; peut-être nos honorables contradicteurs pourraient-ils faire de même, et nous reprendrions la même étude.

M. DESCAMPS. Oui, sauf le droit de faire valoir d'autres considérations, en ce qui me concerne je tâcherai de le faire; nous devons conserver une certaine liberté d'action.

M. BEERNAERT. Bien entendu.

M. RALSTON. Simply with the understanding that when the session opens Monday, M. Descamps will open and will be followed by Judge Penfield, who will close for the United States.

M. EMILIO PARDO. Il reste entendu que j'ai le droit de déposer lundi le mémoire qui contient mon plaidoyer?

M. LE PRÉSIDENT. Certainement.

M. DESCAMPS. Nous n'aurons pas le temps de le lire!

M. DE MARTENS. Il s'agit seulement de la fin, M. Pardo avait presque fini.

M. DESCAMPS. S'il y avait une chose que nous n'aurions pas pu connaître nous demandons à en avoir communication.

M. DE MARTENS. Il faut que M. Pardo communique directement la fin de son plaidoyer à la partie adverse.

(La séance est levée à 4 heures et le Tribunal s'ajourne à lundi le 29 septembre à 10 heures du matin.)

QUATORZIÈME SÉANCE.

29 septembre 1902 (matin).

Le Tribunal s'est réuni à 10 heures du matin; tous les Arbitres étant présents.

M. LE PRÉSIDENT. La parole est à M. l'agent des Etats-Unis du Mexique pour la continuation de son discours.

M. EMILIO PARDO (CONTINUANT SON DISCOURS).

53. Les évêques de Californie avaient à leur disposition les tribunaux mexicains auxquels ils pouvaient présenter leur demande contre le Gouvernement de la République. Répétons qu'une des dispositions de l'art. 97 de la Constitution du Mexique, a précisément pour but de déterminer la compétence du tribunal appelé à connaître des demandes d'étrangers ou de nationaux contre la Nation. Jamais les évêques de Californie ne formulèrent de demandes devant le juge compétent pour en connaître. Ils ne l'adressèrent jamais directement au Gouvernement du Mexique. Ills formulèrent leur première réclamation devant la Commission Mixte de Washington et se jugeant avec des droits à en élever d'autres, eurent recours à la voie diplomatique si peu justifiée en ce

cas, car nul ne pouvait se plaindre de déni de justice ni de retard injustifiable à l'administrer.

54. Les réclamants laissèrent donc volontairement s'écouler le temps nécessaire à la prescription négative et c'est en vain qu'aujourd'hui ils prétendent n'avoir aucune faute à se reprocher; car le seule qui suffise devant la loi à motiver la prescription: le non exercice de l'action leur est imputable. Si la République Mexicaine avait édicté une loi de prescription spéciale au sujet de la réclamation du Fonds Pie, la partie adverse pourrait dire qu'un acte du débiteur est insuffisant pour que son obligation soit éteinte, mais il faut faire remarquer qu'il s'agit de la loi applicable à toutes les réclamations juridiques qui doivent avoir leurs effets au Mexique.

55. Cette loi fait partie du Code civil du Mexique et elle établit la prescription négative à laquelle on a recours pour se soustraire à une réclamation dont l'injustice a été démontrée à d'autres égards. Cette loi est obligatoire pour pous Mexicains et étrangers touchant les relations juridiques formées au Mexique et que doivent y recevoir une réalisation pratique. Voilà pourquoi les évêques de Californie, qui ont laissé s'écouler un temps suffisant pour que leur action tombe sous le coup de la prescription, n'ont qu'à se soumettre aux conséquences de leur omission, parmi lesquelles est l'extinction des obligations qu'ils mettent à la charge du Mexique pour des responsabilités relatives au Fonds de Californie.

VI. 56. D'un seul coup de plume, les réclamants voudraient rayer de la défense Mexicaine toutes les exceptions subsidiaires et qui se fondent sur les dispositions des lois expédiées le 22 juin 1855 et le t septembre 1894. Grâce à ces lois la République Mexicaine a pu liquider sa dette intérieure, et extérieure, reconnaître ses obligations, les épurer, et en un mot rétablir son crédit et prendre une place honorable parmi les pays respectés pour leur exactitude et leur fidélité dans l'accomplissement de leurs engagements.

57. La première de ces lois invitait tous ceux qui, nationaux ou étrangers, se regardaient comme créanciers du Gouvernement Mexicain, à faire la preuve de leurs créances qui dès lors, seraient liquidées ou converties en titres réguliers donnant droit à toucher un interêt périodique. Ces dispositions n'avaient pas un caractère obligatoire, mais le créancier qui refusait de s'y soumettre ne pouvait prétendre être plus favorisé que ceux qui se rendirent à l'appel de la loi. Il devait donc se résigner à ce que le réglement de sa créance fût différé ou ajourné.

58. Le système de la loi de 1885 ne produisit pas un résultat aussi complet qu'on espérait. Un grand nombre de créanciers du Mexique, placés dans l'alternative de se soumettre à la loi ou de s'y soustraire, prirent ce dernier parti, et le résultat fatal fut que malgré les efforts du Gouvernement Mexicain pour régulariser la dette nationale, en établir le montant, et la payer, ces intentions furent irréalisables tant qu'on n'obligea pas les créanciers à présenter leurs créances.

59. Mais il ne suffisait pas de déclarer que tous les créanciers du Mexique étaient obligés de présenter leurs créances au bureau établi à cet effet, il fallait encore sanctionner efficacement l'accomplissement de ce devoir. Cette sanction fut créée par la loi du 6 septembre 1894. Elle disposait que les créanciers qui laisseraient passer les délais fixés pour présenter, liquider et convertir leurs créances sans remplir ces formalités, perdraient tout droit à présenter des réclamations ultéri eures, lesquelles seraient prescrites pour toujours.

60. Cette loi produisit un résultat surprenant. La République se trouva en état de connaître ses responsabilités et le chiffre auquel elles s'élevaient; elle les reconnut, les liquida, délivra les titres respectifs à un intértêt assez rémunérateur, et qui sont acceptés sur presque tous les marchés importants de l'Europe et de l'Amérique.

61. Tous les créanciers du Mexique accoururent à son appel, et il faut remarquer que parmi ces créanciers étaient tous ceux dont les créances avaient été reconnues par des accords internationaux dans lesquels le Gouvernement du Mexique s'était engagé à payer sa dette sous une forme déterminée ou en donnant telle ou telle garantie. Au nombre de ces créanciers figuraient les porteurs d'obligations provenant de la convention célèbre du Père Moran et par laquelle le Mexique fit une transaction avec le Gouvernement Espagnol et s'engagea à payer une certaine somme pour désintéresser les missions des Philippines.

62. Messieurs les évêques de la Haute Californie ne se crurent pas obligés de se soumettre à la loi. Ils crurent avoir toujours à leur portée le moyen d'obtenir la préférence sur les Mexicains et sur les étrangers qui s'étaient rendus à l'appel honorable du Gouvernement Mexicain, et ils attendirent que l'intervention diplomatique leur assurát une situation unique et privilégiée, dans laquelle n'est placé aucun créancier du Mexique.

63. Comment expliquer cette attitude? Sur quoi se fonde cette prétention irritante de se soustraire à une loi obéie par tous? D'abord sur ce que la question discutée est simplement de savoir si la réclamation est juste ou non, et que pour cette appréciation il est inutile de tenir compte de la loi qui déclara prescrites et caduques les créances non présentées à la conversion dans les délais fixés à cette fin. Ensuite qu'un acte du débiteur ne peut seul produire l'extinction de la dette. 64. Quant au premier point, il me semble oiseux de répéter qu'un esprit clair et impartial ne pourra jamais admettre que le Gouvernement du Mexique en signant le protocole du 22 mai dernier renonça à opposer toutes les défenses qu'il avait à faire valoir contre la demande de l'Eglise Catholique de Californie.

65. Quant au second point, on voit aisément, qu'au moyen d'un procédé de généralisation assez facile, on veut appliquer à un Etat souverain un principe qui ne pourrait être invoqué que contre des particuliers. D'après les principes généraux du droit, des actes exclusifs du débiteur ne peuvent en rien modifier l'obligation à sa charge, mais lorsqu'il s'agit d'un Etat, dans l'exercise de sa souveraineté, ces principes perdent de leur inflexibilité, à cause des exigences d'un ordre supérieur. Parfois l'existence même de la nation, sa sécurité intérieure, la défense de ses institutions fondamentales imposent des dispositions, qui, de la part d'un individu seraient impossibles. Rien de plus facile que de citer des exemples à l'appui des observations précédentes; mais afin de ne pas donner à ce travail une extension immodérée, je me bornerai à faire remarquer que la faculté souveraine que le Gouvernement Mexicain exerça en donnant la loi du 6 septembre 1894 n'est pas soumise à l'appréciation du Tribunal, et j'ajouterai que lorsqu'un Etat indépendant contracte en sa qualité de personne juridique, une responsabilité capable de l'obliger, il ne perd pas pour cela sa condition de Souverain investi de la faculté de légiférer sur toutes les questions de droit intérieur.

66. Il est certain que la loi du 6 septembre 1894 est postérieure à la date à laquelle, pour la première fois après le verdict de la Commission

Mixte, Messieurs les Evêques de Californie intentèrent une nouvelle réclamation au sujet des intérêts du Fonds Pie, par la voie du Département d'Etat des Etats-Unis et de leur Ministre au Mexique. Mais tous les créanciers du Mexique, invités à faire valoir leurs droits, se trouvaient dans la même situation, c'est-à-dire que tous étaient en possession de droits acquis, ou supposés acquis, antérieurement au 6 septembre 1894. D'ailleurs, de sa nature même, cette loi ne pouvait se rapporter qu'aux créances en existence, et non à celles de l'avenir, les premières étant seules susceptibles de liquidation et de conversion. 67. En somme, c'est par suite d'un acte, ou pour mieux dire d'une omission que les réclamants se trouvent placés dans la situation d'où dérive l'exception qui a été opposée à leur demande. En obéissant à l'appel de la loi, en agissant comme agirent tous les autres créanciers du Mexique, ils auraient eu l'occasion de faire valoir leurs droits. Ils préférèrent volontairement s'en abstenir, aspirant à une situation exceptionnelle et privilégiée-prétention dont la raison et le fondement nous échappent-ils doivent subir aujourd'hui les conséquences. C'est donc un de leurs actes propres, un acte du prétendu créancier, qui a déterminé l'extinction définitive des droits qu'il croyait avoir.

VII. 68. Je ne saurais trouver une occasion plus opportune d'appeler l'attention sur les dispositions légales du Mexique établissant l'incapacité radicale de l'Eglise Catholique de la Haute Californie comme corporation religieuse, à exercer les droits qu'elle prétend faire valoir contre le Mexique et sur des biens situés au Mexique.

69. La personnalité civile que l'Eglise Catholique de la Haute Californie peut avoir dans cet Etat de l'Union Américaine, peut lui servir aux Etats-Unis et par rapport à des biens situés dans le territoire américain. Mais par rapport à des biens immobiliers et le censo constitué par la loi mexicaine du 24 octobre 1842, avec l'hypothèque de la Rente du tabac, est un bien immobilier cette capacité, dis-je, selon les règles du Droit international privé, est régie par les lois du Mexique. Or, ces lois ne reconnaissent pas a l'Eglise Catholique de la Haute Californie la personnalité nécessaire à posséder et à administrer des biens immobiliers au Mexique. La loi suprême du Mexique, sa constitution politique, art. 27, établit l'incapacité civile des associations religieuses à posséder et à administrer des biens immobiliers ou des capitaux qui y seraient placés.

70. Dans quelques Etats de l'Union américaine il est interdit par exemple, que les associations religieuses possèdent ou acquièrent dans le territoire de ces Etats, des propriétés pour une valeur supérieure à un chiffre donné et la législation de quelques autres Nations a cru devoir imposer des restrictions semblables pour empêcher l'accaparement de la propriété immobilière par la main morte. Ces restrictions font partie du droit public de ces Nations. Qui donc pourra raisonnablement prétendre que ce droit public perde sa valeur, lorsque c'est une corporation religieuse étrangère qui aspire à se créer une situation privilégiée et exceptionnelle? On ne pourrait le croire, car une telle prétention impliquerait la méconnaissance de la souveraineté. Le Mexique réclame maintenant l'application de ces principes, et invoque, outre sa Constitution politique, les dispositions de deux lois organiques, qui refusent à toute association religieuse, quelle que soit sa croyance et quelle que soit sa dénomination, la capacité civile pour posséder et pour administrer des biens immobiliers ou des droits réels au Mexique, et pour exiger exécution d'obligations d'accomplissement

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