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>> son amour pour la justice, dans sa tendresse » pour Esther.

>> Racine voulut dédier sa pièce à madame de » Maintenon, qui le pria de ne pas même la » nommer dans sa préface.

les comédiens donnèrent Esther,

elle.

>> En 1721, >> et ne la donnèrent qu'une fois. Si Esther inspira de l'ennui, c'est qu'elle fut jouée par des » personnes qui n'étaient pas faites pour >> Représentée par les actrices de Saint-Cyr, elle >> aurait excité les mêmes transports. Il fallait » cette naïveté, ces voix pures, ces ames in» nocentes pour lesquelles Racine avait tra» vaillé (1)....... »

Ce récit est curieux; quand on le joint au tableau que Saint-Simon retrace du camp de Compiégne, on on en conclut avec douleur, que Louis XIV, dominé par une femme plus âgée que lui, était bien déchu de sa grandeur.

Racine eut ordre de composer une autre pièce. Il en trouva le sujet dans le quatrième livre des Rois; et il la donna sous le nom d'Athalie. Elle ne fut d'abord que médiocrement accueillie; le sujet n'inspirait pas, dans ce moment, un grand intérêt. Elle a été regardée

(1) Publiciste.

ensuite, pour la versification et pour la vérité des sentiments, comme un des chefs-d'oeuvre du théâtre français.

Il n'y a dans cette pièce ni amour, ni épisode, ni confidents... Racine répara la simplicité de l'intrigue par l'élégance de la poésie, par la noblesse des caractères, par la vérité des sentiments, par de grandes leçons données aux rois, aux ministres et aux courtisans, par l'usage le plus heureux des traits sublimes de l'Écriture - Sainte. Pendant quarante ans, Voltaire ne parla d'Athalie que comme du chefd'œuvre de la scène française. Il changea d'opinion sur la fin de sa vie, parce qu'il comprit cette pièce dans la haine publique qu'il avait jurée aux juifs et aux chrétiens.

Je ne citerai pour exemple de ce style unique, que le discours adressé par le grandprêtre au jeune roi, au moment où il lui dé couvre sa naissance et sa destinée.

O mon fils! de ce nom j'ose encor vous nommer;
Souffrez cette tendresse, et pardonnez aux larmes
Que m'arrachent pour vous de trop justes alarmes.
Loin du trône nourri, de ce fatal honneur,,
Hélas! vous ignorez le charme empoisonneur.
De l'absolu pouvoir vous ignorez l'ivresse,
Et des lâches flatteurs la voix enchanteresse.

Bientôt ils vous diront que les plus saintes lois,
Maîtresses du vil peuple, obéissent aux rois;
Qu'un roi n'a d'autre frein que sa volonté même,
Qu'il doit immoler tout à sa grandeur suprême;
Qu'aux larmes, au travail, le peuple est condamné,
Et d'un sceptre de fer veut être gouverné :
Que, s'il n'est opprimé, tôt ou tard il opprime.
Ainsi, de piége en piége et d'abîme en abîme,
Corrompant de vos mœurs l'aimable pureté,
Ils vous feront enfin haïr la vérité;

Vous peindront la vertu sous une affreuse image.
Hélas! ils ont des rois égaré le plus sage.
Promettez sur ce livre et devant ces témoins,
Que Dieu sera toujours le premier de vos soins:
Que sévère aux méchants et des bons le refuge,
Entre le pauvre et vous, vous prendrez Dieu pour juge;
Vous souvenant, mon fils, que caché sous ce lim,
Comme eux vous fûtes pauvre, et comme eux orphelin.

La comédie des Plaideurs, se rapportant des personnes et à des anecdotes du temps, a perdu une grande partie de l'intérêt que ces circonstances produisaient; mais elle est conservée au théâtre, et sous le rapport du talent, mise à côté des pièces de Molière.

MOLIÈRE.

Jean-Baptiste Poquelin, fils du valet-dechambre tapissier du roi Louis XIII, naquit à Paris en 1629. Il fit ses études au collége des

jésuites. Les belles - lettres ornèrent son esprit, et les préceptes du philosophe Gassendi formèrent sa raison; mais il prit un goût insurmontable pour le théâtre. Son père étant devenu vieux et infirme, le jeune Poquelin se trouvait alors obligé de remplir sa charge auprès du roi. Corneille avait déjà restauré, ou plutôt créé la tragédie en France; le partage de Thalie était réservé au jeune Poquelin. Entraîné par son penchant, il quitta l'emploi de valet-dechambre, et changea son nom de Poquelin pour celui de Molière. Il s'associa avec un acteur nommé Béjart; et, de concert avec lui, ils formèrent une troupe qui représenta à Lyon, en 1653, la comédie de l'Etourdi, pour la première fois. Molière alla ensuite avec sa troupe, à Beziers. Devenu célèbre comme auteur, plus que comme comédien, il se rendit à Paris. Louis XIV lui donna une pension de mille livres, et à sa troupe, le nom et les priviléges de comédiens ordinaires du roi. S'étant cassé une veine dans la poitrine, en jouant à la première représentation du Malade imaginaire, il mourut quelques heures après, le 17 février 1673.

L'archevêque de Paris refusa de lui accorder la sépulture, en objectant son état de comé

dien; mais le roi étant intervenu, ce prélat consentit enfin à ce qu'il fût enterré à Saint-Joseph. C'est au refus de l'archevêque que se rapportent ces vers de Boileau :

Avant qu'un peu de terre, obtenu par prière,

Pour jamais sous la tombe eût enfermé Molière, etc.

Molière était généreux et bienfaisant. Il aimait éperdûment sa femme, qui était indigne de son affection; mais son empire était tel, disait-on, qu'elle lui faisait croire qu'il n'avait pas vu

e qu'il avait vu; et il finissait par lui demander pardon à genoux. Il jouissait de plus de trente mille livres de revenu, qui équivaudraient au moins à soixante mille de notre temps; et il en faisait le plus noble usage. « Les » traits qui font connaître le caractère noble et » généreux de Molière, lui font encore plus » d'honneur que ses ouvrages. Le génie est à » l'ame ce que la beauté est au corps; il rend la » vertu plus belle, mais il ne peut en tenir lieu.

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» Ce que j'admire surtout dans le siècle de » Louis XIV, c'est cette réunion si précieuse » de vertus et de talents. Vous ne pouvez pas >> citer un grand homme dans les lettres, à cette » époque, qui ne soit en même temps un hon» nête homme : Corneille, Racine, Boileau, La

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