>> nacent: les enfers, qui attendent les autres cri>> minels, repoussent la malheureuse Phèdre. >> Et quelle inimitable harmonie dans les vers! » quelle énergie de diction! Je me suis souvent >> rappelé qu'un jour, dans une conversation sur Racine, Voltaire, après avoir déclamé ce mor>> ceau avec l'enthousiasme que lui inspiraient les s'écria: Non, je ne suis rien au» près de cet homme-là. Ce n'est pas qu'il faille >> voir dans cette exclamation, presque involontaire, un aveu d'infériorité; c'était l'hommage » d'un grand génie, dont la sensibilité était en » proportion de sa force, et à qui l'admiration >> faisait tout oublier, jusqu'au sentiment de >> l'amour-propre....... » >> beaux vers, Misérable! et je vis, et je soutiens la vue Je crois voir de ta main tomber l'urne terrible; Racine, dégoûté par les indignités qu'il avait éprouvées à l'occasion de Phèdre, prit la résolution de renoncer entièrement au théâtre. Toujours porté vers la dévotion, il voulut se faire chartreux. Son directeur l'en détourna et l'engagea même à épouser, quelques années après, une femme également belle, accomplie et vertueuse, fille d'un trésorier de France, d'Amiens. « Il y avait douze ans, dit un auteur » périodique, que Racine ne songeait plus à la » poésie, par esprit de religion, quand il y fut » rappelé par un devoir de religion auquel >> il ne s'attendait pas. Madame de Maintenon, >> attentive à tout ce qui pouvait procurer aux » jeunes demoiselles de Saint-Cyr une éduca>>tion convenable à leur naissance, se plaignait >> du danger qu'on trouvait à leur faire chanter » et réciter nos plus beaux vers, qui sont tous composés sur des sujets profanes. Elle communiqua sa pensée à Racine, en lui deman» dant s'il ne serait pas possible de réconcilier » la poésie et la musique avec la piété. Racine » fut édifié et alarmé de ce projet. Il désirait >> que tout autre que lui se chargeât de l'exécu» tion. Que diraient ses ennemis, et que se » dirait-il à lui-même, si, après avoir brillé sur >> le théâtre profane, il allait échouer sur un >>> théâtre consacré à la piété ? >> La demande de madame de Maintenon »jeta Racine dans une grande agitation. Il » voulait plaire à madame de Maintenon. Le > refus était impossible, et la commission très >> délicate pour un homme qui, comme lui, » avait une grande réputation à soutenir, et » qui, s'il avait renoncé à travailler pour les comédiens, ne voulait pas du moins détruire l'opinion que ses ouvrages avaient donnée » de lui. Enfin, après un peu de réflexion, il » trouva dans le sujet d'Esther tout ce qu'il >> fallait tout concilier. Il ne fut pas longpour » temps sans porter à madame de Maintenon » non seulement le plan de sa pièce (car il était » accoutumé de les faire en prose, scène pour » scène, avant d'en faire les vers), il porta le » premier acte tout fait. Madame de Maintenon >> en fut charmée; et sa modestie ne put l'em» pêcher de trouver dans le caractère d'Esther, » et dans quelques circonstances de ce sujet, >> des choses flatteuses pour elle. La Vasthi >> avait ses applications, Aman ses traits de res» semblance; et indépendamment de ces idées, >> l'histoire d'Esther convenait parfaitement à >> Saint-Cyr. >> La première représentation fut donnée le 3 février 1689, au couvent de Saint-Cyr. « On » n'y admit que les principaux officiers, qui >> suivaient le roi à la chasse. Louis XIV, à » son souper, ne parla que d'Esther; Monsei>> gneur, Monsieur, tous les princes deman» dèrent à la voir; les applaudissements redou>> blèrent. » La prière d'Esther enleva tout le monde ;' » tout en parut beau, grand, traité avec di>> gnité. » La troisième représentation fut consacrée >> aux personnes pieuses, telles que le père de » La Chaise, quelques évêques, et douze ou >> quinze jésuites, auxquels se joignirent ma» dame de Miramion, et ses plus distinguées >> religieuses. Madame de Maintenon voulait » se rassurer sur les scrupules qu'elle prévoyait. » Aujourd'hui, leur dit-elle, on ne jouera que » pour les saints. Les saints applaudirent comme » les autres, et souhaitèrent que toutes les tragédies ressemblassent à Esther. » Le roi y mena ensuite les courtisans ; ils >> admirèrent de bonne foi. Madame de Main» tenon était importunée de tous côtés. Il y » avait plus de deux mille aspirants, et il n'y » avait que deux cents places. Le roi faisait une >> liste comme pour les voyages de Marly. Il >> entrait le premier; et se tenant à la porte, la >> feuille dans une main, la canne levée dans >> l'autre, en forme de barrière, il y restait jus» qu'à ce que tous les nommés fussent entrés. >> Le roi et la reine d'Angleterre voulurent » voir la pièce nouvelle. Le spectacle fut encore plus beau : les actrices couvertes de pierreries, >> l'orchestre formé des meilleurs musiciens du >> roi. >> Madame de Montespan et Louvois se trou» vant sous les noms de Vasthi et d'Aman >> rougissaient et battaient des mains; le roi et » la reine d'Angleterre étaient ravis qu'on re» présentât le pape, qui avait contribué à les » détrôner, comme aveuglé par l'enfer même ; >> Louis XIV, un peu confus des grands éloges » que la piété faisait de lui, était charmé de se >> reconnaître dans la fierté d'un roi persan, dans |