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croit pourtant bien servi, c'est qu'il se contente de ce qu'il voit et d'une exactitude apparente, sans tenir compte de mille maux secrets qu'on lui fait incessamment, et dont il n'apperçoit jamais la source. Mais où est l'homme assez dépourvu d'honneur pour pouvoir supporter les dédains de tout ce qui l'environne ? Où est la femme assez perdue pour n'être plus sensible aux outrages Combien dans Paris et dans Londres, des dames se croient fort honorées, qui fondroient en larm si elles entendoient ce qu'on dit d'elles dans leur anti-chambre! Heureusement pour leur repos elles se rassurent en prenant ces argus pour des imbécilles, et se flattant qu'ils ne voient rien de ce qu'elles ne daignent pas leur cacher. Aussi dans leur mutine obéissance ne leur cachent-ils guere à leur tour le mépris qu'ils ont pour elles. Maîtres et valets sentent mutuellement que ce n'est pas la peine de se faire estimer les uns des autres.

A

En toute chose l'exemple des maîtres est plus fort que l'autorité, et il n'est pas naturel que leurs domestiques veuillent êtres plus honnêtes gens qu'eux.

Si on n'examine de près la police des

grandes maisons, on voit clairement qu'il est impossible à un maître qui a vinge domestiques de venir jamais à bout de savoir s'il y a parmi eux un honnête homme, et de ne prendre pas pour tel le plus méchant fripon de tous. Cela seul pourroit dégoûter d'être au nombre des riches. Un des plus doux plaisirs de la vie, le plaisir de la confiance et de l'estime, est perdu pour ces malheureux : ils achetent bien cher tout leur or.

CAMPAGNE.

LE travail de la campagne est agréa

ble à considérer, et n'a rien d'assez pénible en lui-même pour émouvoir à compassion. L'objet de l'utilité publique et privée le rend intéressant: et puis, c'est la premiere vocation de l'homme ; il rappelle à l'esprit une idée agréable, au cœur tous les charmes de l'âge d'or. L'imagination ne reste point froide à l'aspect du labourage et des moissons. La simplicité de la vie pastorale et champêtre a toujours quelque chose qui touche. Qu'on regarde les prés couverts de

gens qui fanent et chantent, et des troupeaux épars dans l'éloignement, insensiblement on se sent attendri sans savoir pourquoi. Ainsi quelquefois encore la voix de la nature amollit nos cœurs farouches, et quoiqu'on l'entende avec un regret inutile, elle est si douce, qu'on ne l'entend jamais sans plaisir.

Les gens de ville ne savent pas aimer la campagne; ils ne savent pas même y être à peine quand ils y sont

:

savent

ils ce qu'on y fait. Ils en dédaignent les travaux, les plaisirs, ils les ignorent ; ils sont chez eux comme en pays étranger; faut-il s'étonner s'ils s'y déplaisent !

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O tems de l'amour et de l'innocence, où les femmes étoient tendres et modestes, où les hommes étoient simples et vivoient contens! O Rachel ! fille charmante et si constamment aimée, heureux celui qui, pour t'obtenir, ne regretta pas quatorze ans d'esclavage ! O douce éleve de Noëmi, heureux le bon vieillard dont tu réchauffois les pieds ' et le cœur! Non, jamais la beauté ne regne avec plus d'empire qu'au milieu des soins champêtres. C'est-là que les graces sont sur leur trône, que la sim

plicité les pare, que la gaieté les anime, et qu'il faut les adorer malgré soi.

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C'est une impression générale qu'éprouvent tous les hommes, quoiqu'ils ne l'observent pas tous, que sur les hautes montagnes où l'air est pur et subtil, on se sent plus de facilité dans la respiration, plus de légèreté dans le corps, plus de sérénité dans l'esprit ; les plaisirs y sont moins ardens, les passions plus modérées. Les méditations y prennent, je ne sais quel caractere grand et sublime, proportionné aux objets qui nous frappent, je ne sais quelle volupté tranquille qui n'a rien d'âcre et de sensuel. Il semble qu'en s'élevant audessus du séjour des hommes, on y laisse tous les sentimens bas et terrestres ; qu'à mesure qu'on approche des régions éthérées, l'ame contracte quelque chose de leur inaltérable pureté. On y est grave sans mélancolie, paisible sans indolence, content d'être et de penser; tous les desirs trop vifs s'émoussent; ils per'dent cette pointe aiguë qui les rend douloureux ; ils ne laissent au fond du cœur qu'une émotion légere et douce, et c'est ainsi qu'un heureux climat fait servir à la félicité de l'homme les passions qui

aucune

sont ailleurs son tourment. Je doute qu'aucune agitation violente, maladie de vapeur, pût tenir contre un pareil séjour prolongé; et je suis surpris que des bains de l'air salutaire et bienfaisant des montagnes ne soient pas un des grands remedes de la médecine et de la morale.

TABLEAU DU LEVER

DU SOLE I L.

TRANSPOR

RANSPORTONS-NOUS sur un lieu élevé avant que le soleil se leve. On le voit s'annoncer de loin par les traits de feu qu'il lance au-devant de lui. L'incendie augmente, l'orient paroît tout en flamme; à leur éclat on attend l'astre long-tems avant qu'il se montre : à chaque instant on croit le voir paroître, on le voit enfin. Un point brillant part comme un éclair et remplit aussi-tôt tout l'espace le voile des ténebres s'efface et tombe; l'homme reconnoît son séjour et le trouve embelli. La verdure a pris durant la nuit une vigueur nouvelle ; le jour naissant qui l'éclaire, les premiers

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