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SOCIÉTÉ CONJUGALE.

LA relation sociale des sexes est ad

mirable. De cette société résulte une personne morale, dont la femme est l'œil et l'homme le bras, mais avec une telle · dépendance l'une de l'autre, que c'est de l'homme que la femme apprend ce qu'il faut voir, et de la femme, que l'homme apprend ce qu'il faut faire. Si la femme pouvoit remonter aussi-bien que l'home me aux principes, et que l'homme eût aussi-bien qu'elle l'esprit des détails, toujours indépendans l'un de l'autre, ils vivroient dans une discorde éternelle, et leur société ne pourroit subsister. Mais, dans l'harmonie qui regne entr'eux, tout tend à la fin commune, on he sait lequel met le plus du sien; chacun suit l'impulsion de l'autre ; chacun obéit ; et tous deux sont les maîtres.

L'empire de la femme est un empire de douceur, d'adresse et de complaisance; ses ordres sont des caresses, ses menaces sont des pleurs. Elle doit régner dans la maison comme un ministre dans

l'état, en se faisant commander ce qu'elle veut faire. En ce sens, il est constant que les meilleurs ménages sont ceux où la ferme a le plus d'autorité. Mais quand elle méconnoît la voix du chef, qu'elle veut usurper ses droits et commander elle-même, il ne résulte jamais de ce désordre que misere, scandale et déshon

neur.

Je ne connois pour les deux sexes que deux classes réellement distinguées ; l'une de gens qui pensent, l'autre de gens qui ne pensent point, et cette différence vient presque uniquement de l'éducation. Un homme de la premiere de ces deux classes ne doit point s'allier dans l'autre; car le plus grand charme de la société manque à la sienne, lorsqu'ayant une femme, il est réduit à penser seul. Les gens qui passent exactement la vie en tiere à travailler pour vivre, n'ont d'autre idée que celle de leur travail ou de leur intérêt, et tout leur esprit semble être au bout de leurs bras. Cette ignorance ne nuit ni à la probité ni aux mœurs; souvent même elle y sert, souvent on compose avec ses devoirs à force de réfléchir, et l'on finit par mettre un jargon à la place des choses. La con

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science est le plus éclairé des philosophes on n'a pas besoin de savoir les offices de Cicéron pour être homme de bien; et la femme du monde la plus honnête sait peut-être le moins ce que 'c'est que l'honnêteté. Mais il n'en est pas moins vrai qu'un esprit cultivé rend seul le commerce agréable; et c'est une triste chose pour un pere de famille, qui se plaît dans sa maison, d'être forcé de s'y renfermer en lui-même, et de ne pouvoir s'y faire entendre à personne.

D'ailleurs, comment une femme qui n'a nulle habitude de réfléchir, élevevera-t-elle ses enfans? comment discernera-t-elle ce qui leur convient ? comment les disposera-t-elle aux vertus qu'elle ne connoît pas, au mérite dont elle n'a nulle idée ? Elle ne saura que les flatter ou les menacer, les rendre insolens ou craintifs; elle en fera des singes maniérés ou d'étourdis poliçons, jamais de bons esprits, ni des enfans aimables.

Il ne convient donc pas à un homme qui a de l'éducation de prendre une femme qui n'en ait point, ni par conséquent dans un rang où l'on ne sauroit en avoir. Mais j'aimerais encore cent fois mieux une fille simple et grossiérement élevée,

qu'une fille savante et bel-esprit qui viendroit établir dans ma maison un tribunal de littérature dont elle seroit la présidente. Une femme bel-esprit est le fléau de son mari, de ses enfans, de ses amis, de ses valets, de tout le monde. De la sublime élévation de son beau génie, elle dédaigne tous ses devoirs de femme, et commence toujours par se faire homme à la maniere de mademoiselle de l'Enclos. Au-dehors elle est toujours ridicule et très-justement critiquée, parce qu'on ne peut manquer de l'être aussi-tôt qu'on sort de son état, qu'on n'est point fait pour celui qu'on veut prendre. Toutes ces femmes à grands talens n'en imposent jamais qu'aux sots. On sait toujours quel est l'artiste ou l'ami qui tient la plume ou le pinceau quand elles travaillent. On sait quel est le discret homme de lettres qui leur dicte en secret leurs oracles. Toute cette charlatanerie est indigne d'une honnête femme. Quand elle auroit de vrais talens, sa prétention les aviliroit. Sa dignité est d'être ignorée; sa gloire est dans l'estime de son mari; ses plaisirs sont dans le bonheur de sa famille.

La grande beauté me paroît plutôt à

fuir qu'à rechercher dans le mariage. La beauté s'use promptement par la posses

sion: au bout de six semaines elle n'est plus rien pour le possesseur; mais ses dangers durent autant qu'elle. A moins qu'une belle femme ne soit un ange, son mari est le plus malheureux des hommes; et quand elle seroit un ange, comment empêchera-t-elle qu'il ne soit sans cesse entouré d'ennemis ? si l'extrême laideur n'étoit pas dégoûtante, je la préférerois à l'extrême beauté; car en peu de tems l'une et l'autre étant nulles pour le mari, la beauté devient un inconvénient et la laideur un avantage : mais la laideur qui produit le dégoût est le plus grand des malheurs ; ce sentiment, loin de s'effacer, augmente sans cesse et se tourne en haine. C'est un en

fer qu'un pareil mariage, il vaudroit mieux être mort qu'unis ainsi.

Desirez en tout la médiocrité, sans en excepter la beauté même. Une figure agréable et prévenante, qui n'inspire pas l'amour, mais la bienveillance, est ce qu'on doit préférer; elle est sans préjudice pour le mari, et l'avantage en tourne au profit commun. Les graces ne s'usent pas comme la beauté: elles ont

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