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soient à elles. On ne peut jamais se donner la beauté, et l'on n'est pas sitôt en état d'acquérir la coquetterie; mais on peut déja chercher à donner un tour agréable à ses gestes, un accent flatteur à sa voix, à composer son maintien, à marcher avec légéreté, à prendre des attitudes gracieuses, et à choisir par-tout ses avantages. La voix s'étend, s'affermit et prend du timbre, les bras se développent, la démarche s'assure, et l'on s'apperçoit que, de quelque maniere qu'on soit mise, il y a un art de se faire regarder. Dès-lors il ne s'agit plus seulement d'aiguille et d'industrie; et de nouveaux talens se présentent, et font dėja sentir leur utilité.

En France, es Filles vivoient dans des couvens, et les femmes courent le monde. Chez les anciens c'étoit tout le contraire les Filles avoient beaucoup de jeux et de fêtes publiques: les femmes vivoient retirées. Cet usage étoit plus raisonnable et maintenoit mieux les mœurs. Une sorte de coquetterie est permise aux Filles à marier, s'amuser est leur grande affaire. Les Femmes ont d'autres soins chez elles, et n'ont plus de maris à chercher; mais elles ne trou

veroient pas leur compte à cette_rẻforme, et malheureusement elles donnent le ton.

Il est indigne d'un homme d'honneur d'abuser de la simplicité d'une jeune Fille, pour usurper en secret les mêmes libertés qu'elle peut souffrir devant tout le monde. Car on sait ce que la bienséance peut tolérer en public; mais on ignore où s'arrête dans l'ombre du mystere, celui qui se fait seul juge de ses fantaisies.

Voulez-vous inspirer l'amour des bonnes mœurs aux jeunes personnes ? Sans leur dire incessamment, soyez sages, donnez-leur un grand intérêt à l'être ; faites-leur sentir tout le prix de la sagesse et vous la leur ferez aimer. Il ne suffit pas de prendre cet intérêt au loin dans l'avenir; montrez-le-leur dans le moment même, dans les relations de leur âge, dans le caractere de leurs amans. Dépeignez-leur l'homme de bien, l'homme de mérite; apprenez-leur à le reconnoître, à l'aimer, et à l'aimer pour elles; prouvez-leur qu'amies, femmes ou maîtresses, cet homme seul peut les rendre heureuses. Amenez la vertu par la raison faites-leur sentir que l'empire

de leur sexe et tous ses avantages ne tiennent pas seulement à sa bonne conduite, à ses mœurs, mais encore à celles des hommes; qu'elles ont peu de prise sur des ames viles et basses, et qu'on ne sait servir sa maîtresse que comme on sait servir la vertu. Soyez sûrs qu'alors en leur dépeignant les mœurs de nos jours, vous leur en inspirerez un dégoût sincere; en leur montrant les gens à la mode, vous les leur ferez mépriser, vous ne leur donnerez qu'éloignement pour leurs maximes, aversion pour leurs sentimens, dédain pour leurs vaines galanteries; vous leur ferez naître une ambition plus noble; celle de régner sur des ames grandes et fortes, celle des femmes de Sparte, qui étoit de commander à des hommes.

Les femmes ne cessent de crier que nous les élevons pour être vaines et coquettes, que nous les amusons Sans cesse à des puérilités pour rester plus facilement les maîtres; elles s'en prennent à nous des défauts que nous leur reprochons. Quelle folie! et depuis quand sont-ce les hommes qui se mêlent de l'éducation des Filles? Qui est-ce qui empêche les meres de les élever comme il

leur plaît

Elles n'ont point de colleges grand malheur ! eh! plût-à-Dieu qu'il n'y en eût point pour les garçons, ils seroient plus sensément et plus honpêtement élevés? Force-t-on vos Filles à perdre leur tems en niaiseries? Leur fait-on malgré elles passer la moitié de leur vie à leur toilette à votre exemple ? Vous empêche-t-on de les instruire et faire instruire à votre gré? Est-ce notre faute si elles nous plaisent quand elles sont belles, si leurs minauderies nous séduisent, si l'art qu'elles apprennent de vous, nous attire et nous flatte, si nous aimons à les voir mises avec goût, si nous leur laissons affiler à loisir les armes dont elles nous subjuguent? Eh! prenez le parti de les élever comme des hommes; ils y consentiront de bon cœur! plus elles voudront leur ressembler moins elles les gouverneront, et c'est alors qu'ils seront vraiment les maîtres.

A force d'interdire aux femmes le chant, la danse et tous les amusemens du monde, on les rend maussades, grondeuses, insupportable's dans leurs maisons. Pour moi, je voudrois qu'une jeune Angloise cultivât avec autant de soin les talens agréables pour plaire au mari

qu'elle

qu'elle aura, qu'une jeune Albanoise les cultive pour les Harem d'Ispahan. Les maris, dira-t-on, ne se soucient point trop de tous ces talens: vraiment je le crois, quand ces talens, loin d'être employés à leur plaire, ne servent que d'amorce pour attirer chez eux de jeunes impudens qui les déshonorent. Mais pensez-vous qu'une femme aimable et sage, ornée de pareils talens, et qui les consacreroit à l'amusement de son mari n'ajouteroit pas au bonheur de sa vie et ne l'empêcheroit pas, sortant de son cabinet la tête épuisée, d'aller chercher des récréations hors de chez lui? Personse n'a-t-il vu d'heureuses familles ainsi réunies, où chacun sait fournir du sien aux amusemens communs ? Qu'il dise si la confiance et la familiarité qui s'y joint, si l'innocence et la douceur des plaisirs qu'on y goûte, ne rachetent pas bien ce que les plaisirs publics ont de bruyant.

II. Partie.

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