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que celui de les éclairer comme s'il étoit plus aisé d'engager les hommes à bien faire de leur bon gré, que de les y contraindre par la force. Que les Savans du premier ordre trouvent dans leurs Cours d'honorables asyles, qu'ils y obtiennent la seule récompense digne d'eux, celle de contribuer par leur crédit au bonheur des Peuples à qui ils au ront enseigné la sagesse ; c'est alors seulement qu'on verra ce que peuvent la vertu, la science et l'autorité animées d'uné noble émulation, et travaillant de concert à la félicité du genre humain. Mais tant que la puissance sera seule d'un côté, les lumieres et la sagesse seules d'un autre, les Savans peseront rarement de grandes choses, les Princes en feront plus rarement de belles, et les Peuples continueront d'être vils, corrompus et malheureux.

LEGISLATEUR.

CELUI qui ose entreprendre d'instituer

A peuple, doit se sentir en état de changer, pour ainsi dire, la Nature humaine, de transformer chaque individu,

qui, par lui-même, est un tout parfai et solitaire, en partie d'un plus grand tout dont cet individu reçoive en quelque sorte sa vie et son être; d'altérer la constitution de l'homme pour la renforcer; de substituer une existence par zielle et morale à l'existence physique et indépendante que nous avons reçue de la Nature. Il faut, en un mot, qu'il ôte à l'homme ses forces propres, pour lui en donner qui lui soient étrangeres, et dont il ne puisse faire usage sans le secours d'autrui. Plus ces forces naturelles sont mortes et anéanties, plus les acquises sont grandes et durables, plus aussi l'institution est solide et parfaite : ensorte que si chaque Citoyen n'est rien, ne peut rien que par tous les autres, et que la force acquise par-tout soit égale ou supérieure à la somme des forces naturelles de tous les individus, on peut dire que la Législation est au plus haut point de perfection qu'elle puisse atreindre.

S'il est vrai qu'un grand Prince est un homme rare, que sera-ce d'un grand Législateur? Le premier n'a qu'à suivre le modele que l'autre doit proposer. Ce lui-ci est le Méchanicien qui invente la macnine,

machine, celui-là n'est que l'ouvrier qui la monte et la fait marcher.

Un Peuple ne devient célebre que quand sa Législation commence à déciiner. On ignore durant combien de siecles l'institution de Lycurgue fit le bon heur des Spartiates avant qu'il fût question d'eux dans le reste de la Grece.

LOI.

C'EST à la Loi seule que les hommes

doivent la justice et la liberté. C'est cet organe volontaire de la volonté de tous, qui rétablit dans le droit l'égalité natu relle entre les hommes. C'est cette voix céleste qui dicte à chaque Citoyen les préceptes de la raison publique, et lui apprend à agir selon les maximes de son propre jugement, et à n'être pas en contradiction avec lui-même. C'est elle seule aussi que les chefs doivent faire parler quand ils commandent; car sitôt qu'indépendamment des Lois un homme en prétend soumettre un autre à sa volonté privée, il sort à l'instant de l'état civil, et se met vis-à-vis de lui dans le pur état de nature où l'obéissance n'est 1. Partie.

jamais prescrite que par la nécessité.

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La Loi dont on abuse, sert à la fois au puissant d'arme offensive et de bouclier contre le foible; et le prétexte du bien public est toujours le plus dangereux fléau du Peuple. Ce qu'il y a de plus nécessaire, et peut-être de plus difficile dans le gouvernement, c'est une intégrité sévere à rendre justice à tous, et sur-tout à protéger le pauvre contre la tyrannie du riche. Le plus grand mal est déja fait, quand on a des pauvres à défendre et des riches à contenir. C'est sur la médiocrité seule que s'exerce toute la force des Lois; elles sont également impuissantes contre les trésors du riche et contre la misere du pauvre; le premier les élude, le second leur échappe; l'un brise la toile, et l'autre passe au

travers.

IL

LIBERTÉ.

L est de la Liberté comme de l'innocence et de la vertu, dont on ne sent le prix qu'autant qu'on en jouit soi-même, et dont le goût se perd sitôt qu'on les a perdues. Je connois les délices de top

pays, disoit Brasidas à un Satrape, qui comparoit la vie de Sparte à celle de Persépolis; mais tu ne peux connoître les plaisirs du mien.

Les esclaves perdent tout dans leurs fers jusqu'au desir d'en sortir: ils aiment leur servitude comme les compagnons d'Ulysse aimoient leur abrutissement.

Il est incontestable, et c'est la maxime fondamentale de tout le droit politique, que les peuples se sont donné des chefs pour défendre leur liberté, et non pour les asservir. Si nous avons un Prince, disoit Pline à Trajan, c'est afin qu'il nous préserve d'avoir un maître.

Il n'y a que la force de l'Etat qui fasse la liberté de ses membres.

IL

DÉPENDANCE.

y a deux sortes de Dépendances. Celle des choses, qui est de la nature; celle des hommes, qui est de la société, La Dépendance des choses n'ayant aucune moralité, ne nuit point à la liberté, et n'engendre point de vices; la Dé pendance des hommes étant désordonnée. les engendre tous, et c'est par elle que

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