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tiellement méchant, est d'avoir beau coup de besoins et de tenir beaucoup à l'opinion.

Les préceptes de la loi naturelle ne sont pas fondés sur la raison seule, ils ont une base plus solide et plus sage. L'Amour des hommes dérive de l'Amour de soi, est le principe de la justice humaine.

AMOUR.

N peut distinguer le moral du phy sique dans le sentiment de l'Amour. Le physique est ce désir général qui porte un sexe à s'unir à l'autre ; le moral est ce qui détermine ce désir et le fixe sur un seul objet exclusivement, ou qui, du moins, lui donne pour cet objet préféré un plus grand degré d'énergie. Or il est facile de voir que ce moral de l'A mour est un sentiment factice né de l'usage de la société, et célébré par les femmes avec beaucoup d'habileté et de soin pour établir leur empire, et rendre dominant le sexe qui devroit obéir.

On aime bien plus l'image qu'on se fait, que l'objet auquel on l'appliques.

Si l'on voyoit ce qu'on aime exactement, tel qu'il est, il n'y auroit plus d'Amour sur la terre. Quand on cesse d'aimer, la personne qu'on aimoit reste la même qu'auparavant, mais on ne la voit plus, la même. Le voile du prestige tombe, et l'Amour s'évanouit.

Les premières voluptés sont toujours mystérieuses; la pudeur les assaisonne et les cache; la première maîtresse ne rend pas effronté, mais timide. Tout absorbé dans un état si nouveau pour lui, le jeune homme se recueille pour le goûter, et tremble de le perdre. S'il est bruyant, il n'est ni voluptueux ni tendre; tant qu'il se vante il n'a pas joui.

Le véritable Amour est le plus chaste de tous les liens. C'est lui, c'est son feu, divin qui sait épurer nos penchans naturels, en les concentrant dans un seul objet, c'est lui qui nous dérobe aux tentations, et qui fait qu'excepté cet objet unique, un sexe n'est plus rien pour l'autre.

L'argent tue l'Amour infailliblement. Quiconque paie, fut-il le plus aimable des hommes, par cela seul qui paie, ne peut être long-temps aimé. Bientôt il paiera pour un autre, ou plutôt cet

autre sera payé de son argent ; et dans ce double lien formé par l'intérêt, par la débauche, sans Amour, sans honneur, sans vrai plaisir, la femme avide, infidèle et misérable traitée par le vil qui reçois comme elle traite le sot qui donne, reste ainsi quitte envers tous deux.

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Celui qui disoit : je possède de Laïs sans qu'elle me possédent, disoit un mot sans esprit. La possession qui n'est pas réciproque n'est rien: c'est tout au plus la possession du sexe, mais non pas de Pindividu. Or, où le moral de l'Auteur n'est pas, pourquoi faire une si grande affaire du reste! Rien n'est si facile à trouver. Un Muletier est là-dessus plus près du bonheur qu'un Millionnaire.

Le plus grand prix des plaisirs est. dans le cœur qui les donne : un véritable Amant ne trouveroit que douleur, rage et désespoir dans la possession même de ce qu'il aime, s'il croyoit n'en point être aimé.

Malgré l'absence, les privations, les alarmes, malgré le désespoir même, les puissans élancemens de deux cœurs l'un vers l'autre ont toujours une volupté secrète ignorée des ames tranquilles.

L'Amour qui rapproche tout, n'élève

point la personne, il n'élève que let sentimens. Généralement les hommes sont moins constans que les femmes, et se rebutent plutôt qu'elles de l'Amour heureux. La femme presse de loin l'inconstance de l'homme, et s'en inquiète; c'est ce qui la rend aussi plus jalouse. Quand il commencé à s'attiédir, forcée à lui rendre pour le garder tous les soins qu'il prit autrefois pour lui plaire, elle pleure, elle s'humilie à son tour, et rarement avec le même succès. L'attachement et les soins gagnent les cœurs, mais ils ne les recouvrent guère.

Vous êtes bien folles, vous autres femmes, de vouloir donner de la con sistance à un sentiment aussi frivole et aussi passager que l'amour. Tout change dans la nature, tout est dans un flux continuel, et vous voulez inspirer des feux constans! Et de quel droit préten dez-vous être aimée aujourd'hui, parce que vous l'étiez hier? Gardez donc le même visage, le même âge, la même humeur; soyez toujours la même, er l'on vous aimera toujours, si l'on peutMais changer sans cesse et vouloir toujours qu'on vous aime, c'est vouloir qu'à chaque instant on cesse de vous

pas

chercher des cœurs

aimer; ce n'est
constans, c'est en chercher d'aussi chan-
geans que vous.

L'image de la félicité ne flatte plus les hommes; la corruption du vice n'a pas moins dépravé leur goût que leurs cœurs. Ils ne savent plus sentir ce qui ' est touchant: ni voir ce qui est aimable, f Vous qui, pour peindre la volupté, n’i#maginez, jamais que d'heureux Amans nageant dans le sein des délices, 'que vos tableaux sont encore imparfait ! Vous n'en avez peint que la moitié la plus grossière ; les plus doux attraits de la volupté n'y sont plus. Oh ! qui de vous n'a jamais vu deux jeunes époux unis sous d'heureux auspices sortant du lit nuptial, et portant à la fois dans leurs regards languissans et chastes l'ivresse des doux plaisirs qu'ils viennent de goûter, l'aimable sécurité de l'innocence et la certitude alors si charmante de couler ensemble le reste de leurs jours ? Voilà l'objet le plus ravissant qui puisse être offert au cœur de l'homme; voilà le vrai tableau de volupté. Vous l'avez vu cent fois sans le reconnoître vos cœurs endurcis ne sont plus faits pour aimer.

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