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donné

par Saint-Simon du camp de Compiégne, il montre combien ce grand homme, Louis XIV, car il étoit véritablement tel, étoit tombé sous la tutelle d'une femme plus âgée que lui, et qui, sous l'air de la soumission la plus absolue, le conduisoit à son gré.

Racine eut ordre de composer une autre pièce. Il en trouva le sujet dans le quatrième livre des Rois; et il la donna sous le nom d'Athalie. Elle ne fut d'abord que médiocrement accueillie; le sujet n'inspiroit pas, dans ce moment, de l'intérêt. Elle a été regardée ensuite, pour la versification et pour la vérité des sentimens, comme un des chefs-d'œuvre du théâtre français.

La comédie des Plaideurs, se rapportant à des personnes et à des anecdotes du temps, a perdu de l'intérêt que ces circonstances produisoient; mais elle est conservée au théâtre et mise à côté des pièces de Molière.

MOLIÈRE.

Jean-Baptiste Poquelin, fils du valet-dechambre tapissier du roi Louis XIII, naquit à Paris en 1620. Il fit ses études au collége des jésuites. Les belles lettres ornèrent son esprit, et les préceptes du philosophe Gassendy

formèrent sa raison; mais il prit un goût violent pour le théâtre. Son père étant devenu vieux et infirme, le jeune Poquelin se trouvoit alors obligé de remplir sa charge auprès du roi. Corneille avoit déjà restauré, ou plutôt créé la tragédie en France; le partage de Thalie avoit été réservé pour Poquelin. Entraîné par son penchant, il quitta l'emploi de valet-dechambre, et changea son nom de Poquelin celui de Molière. Il s'associa avec un pour acteur nommé Béjart; et, de concert avec lui, ils formèrent une troupe qui représenta à Lyon, en 1653, la comédie de l'Étourdi, pour la première fois. Molière alla ensuite, avec sa troupe, à Beziers. Devenu célèbre comme auteur, plus que comme comédien, il se rendit à Paris. Louis XIV lui donna une pension de mille livres, et à sa troupe, le nom et les priviléges de comédiens ordinaires du roi. S'étant cassé une veine dans la poitrine, en jouant à la première représentation du Malade imaginaire, il mourut quelques heures après, le 17 février 1673.

L'archevêque de Paris refusa de lui accorder la sépulture, en objectant son état de comédien; mais le roi s'y étant interposé, ce prélat consentit enfin à ce qu'il fût enterré à Saint

Joseph. C'est au refus de l'archevêque que se rapportent ces vers de Boileau :

Avant qu'un peu de terre, obtenu par prière,
Pour jamais sous la tombe eût enfermé Molière, etc.

Il étoit généreux et bienfaisant. Il aimoit éperduement sa femme, qui étoit indigne de son affection; mais son empire étoit tel, disoit-on, qu'elle lui faisoit croire qu'il n'avoit pas vu ce qu'il avoit vu; et il finissoit par lui demander pardon à genoux. Il jouissoit de plus de trente mille livres de revenus, qui équivaudroient au moins à soixante mille de notre temps; et il en faisoit le meilleur usage. « Les traits qui font connoître le caractère » noble et généreux de Molière, lui font en» core plus d'honneur que ses ouvrages. Le » génie est à l'ame ce que la beauté est au » corps; il rend la vertu plus belle, mais il >> ne peut en tenir lieu.

» Ce que j'admire sur-tout dans le siècle de >> Louis XIV, c'est cette réunion si précieuse » de vertus et de talens. Vous ne pouvez pas >> citer un grand homme dans les lettres, à » cette époque, qui ne soit en même temps » un honnête homme : Corneille, Racine >> Boileau, La Fontaine, La Bruyère, Pascal,

,

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» Bossuet, Fénélon, Fléchier, Bourdaloue, >> sont aussi recommandables par leurs mœurs » et leurs sentimens, que par leurs écrits. Je »> ne sais même si une ame avilie par la cu» pidité et l'intrigue, dégradée par le lâche égoïsme, par la basse et sotte vanité, peut jamais atteindre jusqu'au sublime. Un am>> bitieux, un intrigant littéraire, un dangereux » novateur, un charlatan qui flatte et trompe >> son siècle, peut avoir des qualités brillantes; >> il peut éblouir, mais il ne peut arriver dans » aucun genre à la perfection de son art : le clinquant domine dans ses productions; le » faux y perce de toutes parts; il séduit et » subjugue le vulgaire ; il charme les esprits » frivoles et les cœurs corrompus, mais il ne >> soutient pas l'examen sévère de la raison; >> une ame noble est le seul sanctuaire que le » véritable génie daigne habiter (*). »

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Molière s'étant trompé un jour, donna un louis à un pauvre qui le lui rapporta, en lui disant Monsieur n'a pas sans doute eu l'intention de me donner un louis? Molière dit à un de ses amis qui étoit présent: Où la vertu va-t-elle se nicher! Il laissa au pauvre ce que

(*) Journal des Débats.

la

la fortune lui avoit donné, et y ajouta encore.

C'est Molière qui a peint le premier, sur le théâtre comique en France, avec un art parfait, le caractère des hommes dans toutes les classes. Il les avoit étudiés et dans le monde, et dans la source intarissable du cœur humain. C'est lui qui a le premier corrigé l'affectation, l'orgueil, le pédantisme, le mauvais goût, l'hypocrisie; enfin, les travers et les vices, en les exposant au ridicule.

Molière est, de tous ceux qui ont jamais écrit, celui qui a le mieux observé l'homme, sans annoncer qu'il l'observoit.... Quand on lit ses pièces avec réflexion, ce n'est pas de l'auteur qu'on est étonné, c'est de soi-même...

<< Eh! qui t'avoit appris cet art, homme di» vin? T'es-tu servi de Térence et d'Aristo>> phane, comme Racine se servoit d'Euripide; >> Corneille, de Guillin de Castro, de Calderon » et de Lucain; Boileau, de Juvénal, de Perse >> et d'Horace? Les anciens et les modernes >> t'ont-ils fourni beaucoup? Il est vrai que les >> canevas italiens et les romans espagnols t'ont >> guidé dans l'intrigue de tes premières pièces; » que, dans ton excellente farce de Scapin, » tu as pris à Cyrano le seul trait comique qui » se trouve chez lui; que, dans le Tartufe,

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