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terna felicitas Timentibus deum, etc. » Il seroit trop long de rapporter cette exhortation en entier.

« Roger Bacon, dans son livre des sept chapitres, cacha le mot JUPITER dans les lettres initiales suivantes In Verbis Præsentibus Invenies Terminum Exquisite Rei. »>

N'est-ce pas encore pousser un peu loin la manie des rapprochements? Quoi qu'il en soit, au reste, autant eut valu rattacher à l'acrostiche cette manière secrète d'écrire, qui, toutefois, n'avait aucun droit de prendre rang dans une poétique quelque excentrique qu'elle pût être.

VERS PAR CONTRADICTIONS

Les vers appelés par contradictions sont des phrases rimées dans lesquelles on s'applique à rapprocher systématiquement des mots représentant des idées opposées, inconciliables. On eût pu les qualifier vers antithétiques; car c'est un jeu continuel d'antithèses, malheureusement de mauvais aloi pour la plupart.

Jean de Meun, qui écrivait vers la fin du XIIIe siècle, paraît être le premier qui mit en relief les vers par contradictions. Il s'en trouve deux tirades assez longues au commencement de la seconde partie du Roman de la Rose. La citation suivante est extraite du Champion des dames:

Amours, amours, joye ennuyeuse,
Amours, liesse enlangourée,

Amours, charité envieuse,

Espérance désespérée :

Amours, couleur descoulourée,

Ris pleurant, enfer glorieux,

Félicité très-malheurée,

Paradis mélancolieux.

Amours, pensement sans pensée,

Regard sans yeulx, sens insensible,

Gré sans vueil, présence passée,
Miel amer, puissance impossible,
Ennui plaisant, repoz pénible,

Glace ardant, printemps sans fleurettes,
Basme puant, sauge nuisible,

Fumier flairant les violettes.

Paix discordant, male bonté,
Joyeulx dueil, proesse fuitifve,
Loz blasmé, honneur ahonté,
Secret commun, fièvre saintifve,
Laide beaulté, vertu chetifve,
Tourment gracieulx, fin sans bout,
Amours est en beaulté actifve;

Amours n'est rien, et semble tout.

Mélin de Saint-Gelais a traité le même sujet en vers de même facture. Je transcris une partie de cette pièce qui pourra servir de point de comparaison avec la précédente :

Qu'est-ce qu'amour ?.......

C'est un refus qui asseure et afferme,
Un affermer qui désasseure et nie,
Rendant le cœur en inconstance ferme.

C'est un jeusner qui paist et rassasie,
Un dévorer qui ne fait qu'affamer,

Un estre sain en fièvre et frénésie.

C'est un trompeur qui, sous le nom d'aimer,
Tient tout en guerre, et tout réconcilie,

Sachant guérir ensemble et entamer.

C'est un effort qui esteint et deslie,
Une faiblesse, en puissance si grande,
Que tout bas hausse et tout haut humilie.

C'est un subject qui n'a qui lui commande,
Un maistre au quel chacun va résistant,

Un nud à qui chacun oste et demande.....

On pouvait croire que Clément Marot ne faillirait pas à s'exercer dans ce style. Voici son trente-deuxième rondeau, intitulé par contradictions:

En espérant, espoir me désespère,
Tant que la mort m'est vye très-prospère,
Me tourmentant de ce qui me contente,
Me contentant de ce qui me tourmente,
Pour la douleur du soulas que j'espère,
Amour haineuse en aigreur me tempère :
Par tempérance aspre comme vipère
Me resfroidit soubz chaleur véhémente,
En espérant.

L'enfant aussy qui surmonte le père,
Bende ses yeux pour veoyr mon impropère,
De moy s'enfuyt, et jamais ne s'absente,

Mais sans bouger va en obscure sente

Cacher mon dueil, affin que mieulx appère,
En espérant.

Le Cabinet des Muses (Rouen, 1619) nous fournit cet autre exemple :

J'ayme et je n'ayme point, je brusle et si je gesle,
Je suis respectueux et je suis insolent,

Tantost homme paisible et tantost violent,
Et par fidellité je deviens infidelle.

J'obéys estant libre et serf je suis rebelle,
Je cache mon secret et vais tout décelant,

Je veux et ne veux point, à toute heure branslant
Deçà, delà, selon que le désir m'appelle.

Or en ris, or en pleurs, sans sujet je me plains,
Désirant que l'effet répugne à mes desseins,
Je me fâche du mal et je fuy le remède,

Tellement que je suis de tous vents combattu;
Mais, amy, pour nommer le mal qui me possède,
Si ce n'est mal d'amour, comment l'appelles-tu?

Voici d'autres vers du même genre que de la Croix, dans son livre l'Art de la poésie (1694), appelle Chanson par antithèses :

Belise, en me plaignant, je m'efforce à me taire;

Je tâche à te défendre, en voulant t'accuser;

Je veux te nommer douce et te nommer sévère,
Car tu peux,
à la fois, nuire et favoriser.

Quand tes yeux m'ont chassé, ta bouche me rappelle;
Quand elle me fait vivre, ils me font expirer,

Et lorsque je te vois complaisante et rebelle,

Tout d'un coup je veux craindre et je veux espérer.

Ah! bons dieux, quels tourments, pour une âme amoureuse, De craindre, en espérant, en souffrant, de guérir.

Belise, sois plus douce, ou sois plus rigoureuse,

Fais-moi seulement vivre, ou seulement mourir.....

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