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PROTOCOLE No. 7.

SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1881.

Présidence de M. JOHN HAY.

L'an mil huit cent quatre-vingt-un, le premier février, à une heure de l'après-midi, la Conférence Sanitaire Internationale a tenu sa septième séance à l'Hôtel du Département d'État.

Etaient présents:

MM. les Délégués

D'Allemagne: M. H. A. Schumacher.

De la République Argentine: Señor Don Julio Carrié.
D'Autriche-Hongrie: Comte Bethlen.

De Belgique: M. le baron d'Anethan et M. E. Sève.
Du Chili: Señor Don Francisco de Solano Asta-Buruaga.

Du Danemark: M. Carl Steen Andersen de Bille.

D'Espagne: Señor Don Felipe Mendez de Vigo, M. le dr. Rafael Cervera et M. le dr. Carlos Finlay.

Des États-Unis: M. le dr. James L. Cabell, M. le dr. Thomas J. Turner, M. J. Hubley Ashton et M. James Lowndes.

De France: M. Maxime Outrey.

D'Haïti: M. Stephen Preston.
D'Italie: M. le prince de Camporeale.

Du Japon: Jushie Yoshida Kiyonari.

Du Mexique: Señor Don Ignacio Alvarado.

Des Pays-Bas: Jonkheer Rudolph de Pestel et M. le dr. F. J. van Leent.

Du Portugal: M. le vicomte das Nogueiras et M. le professeur José Joaquim da Silva Amado.

De Russie: M. Michel Bartholomei.

De Suède et Norvége: M. le comte Carl Lewenhaupt.

De Turquie: Grégoire Aristarchi Bey.

Le Président présente les lettres de créance de M. le dr. Carlos Finlay, Délégué Spécial des Îles de Cuba et de Porto Rico.

Le protocole de la sixième séance est présenté et approuvé.

Le Délégué des États-Unis (M. le dr. TURNER) announce à la Conférence qu'il vient de recevoir un mémoire de M. le Délégué de la Grande-Bretagne (M. E. M. Archibald, C. B.), retenu à Summerville, Caroline du Sud, par la maladie de son fils.

Le PRESIDENT, après avoir pris l'avis de la Conférence, ordonne au Secrétaire de donner lecture du mémoire ci-dessous:

"M. le PRÉSIDENT: Je demande la permission de présenter quelques observations relativement à certaines questions qui ont été soumises à la Conférence, et spécialement à celles qui ont trait à l'inspection des navires, de leurs cargaisons et de leurs hommes d'équipage aux ports de départ, par des agents étrangers. Bien que je désire, tout autant que les autres membres de la Conférence, adopter toutes les mesures qui seraient pratiques et efficaces, qui n'imposeraient pas trop de charges au commerce maritime, et qui, en même temps, atteindraient le but que se proposait le gouvernement des États-Unis en convoquant cette Conférence, je suis néanmoins forcé de déclarer que je ne puis approuver l'application en général du système d'inspection proposé. On pourrait, entre autre objections sérieuses, dire qu'il ne peut nécessairement être appliqué que partiellement (ce qui le rendrait inefficace) par les pays qui l'adopteraient. Je suis cependant disposé à voir essayer ce système, dans certaines limites géographiques, par les pays d'où l'exportation de la fièvre jaune ou de toute autre maladie contagieuse d'un caractère dangereux est le plus à craindre. Laissant de côté la question de l'efficacité de ce système, les occasions qui justifieraient les entraves au commerce rendues nécessaires par son application générale, ne se présentent que rarement et à de longs intervalles dans les zones tempérées. Je suis donc d'avis que l'on ne devrait recommander l'application de ce sys tème qu'aux ports et lieux situés sous les tropiques, ou bien à ceux qui se trouvent entre les parallèles 26° de latitude nord et sud, sur les côtes de la Méditerranée et de la Mer Noire et sur la côte occidentale du Maroc. Il serait, je crois, utile de prendre en considération l'expérience du passé relativement aux règlements sanitaires internationaux. La Conférence la plus importante de ce siècle qui a traité ce sujet, a été celle de Paris en 1850-1852, dont les travaux ont duré plus de dix-huit mois; il est néanmoins digne de remarque que, bien que douze puissances aient pris part à cette Conférence, la convention qui en a résulté, n'a été conclue qu'entre deux puissances. Trois autres puissances y ont adhéré plus tard. Toutes les questions se rattachant à l'origine et à la propagation des maladies contagieuses et infectieuses et à leur transmission par terre ou par mer ont été discutées de la façon la plus complète au sein de cette Conférence. De nombreux règlements y ont été adoptés pour répondre à toutes les éventualités possibles. On pourrait peut-être m'objecter que presque toutes les mesures qui y ont été prises s'appliquaient au système de quarantaine. Cela est vrai, mais l'inspection des navires, de leurs cargaisons et de leurs équipages

anx ports de départ a été comprise également dans les règlements élaborés par cette Conférence. Il est toutefois à remarquer que le traité, conclu à la suite de longues et sérieuses délibérations, n'a été en vigueur que pendant cinq années, qu'il est ensuite tombé en désuétude et qu'on a cru ne pas devoir le remettre en vigueur. De ce fait on pourrait, je crois, déduire la conclusion que quelques-unes des dispositions de ce traité ne pouvaient pas être mises en pratique. Il est probable que c'étaient celles relatives à l'inspection des navires. Plus tard ont eu lieu les Conférences de Constantinople et de Vienne, dont les travaux ont eu une haute importance pour ce qui concerne l'étude de l'origine et de la propagation du choléra. Ces conférences n'ont cependant pas abouti à une convention. Dans ces dernières conférences, il ne paraît pas qu'on ait discuté la question le l'inspection des navires, de leurs cargaisons et de leurs équipages aux ports de départ, du moins n'ontelles adopté aucune mesure à cet égard. Elles ont cependant accordé une sérieuse attention aux questions de quarantaine. La question de l'inspection se présente par conséquent à nous comme presque nouvelle, et elle est évidemment le sujet que le gouvernement des États-Unis avait spécialement en vue en convoquant cette Conférence. Nous sommes tous, je crois, plus ou moins d'accord sur le système de notification et sur la nécessité de mentionner dans les patentes de santé les nouvelles sani taires importantes. Avant de quitter la question de notification, je me permettrai de dire que, bien que je sois d'accord sur le principe de la résolution adoptée à la séance du 26 janvier dernier, je crois néanmoins que le but pratique serait atteint si la Conférence se bornait à recommander que chaque gouvernement publiât des bulletins sanitaires hebdomadaires des maladies et des décès, avec l'indication des causes, dans ses principales villes et ports de mer. La plus grande publicité possible' à donner à ces bulletins n'est pas indispensable, mais des copies imprimées des bulletins, concernant les districts consulaires respectifs, devraient être promptement et régulièrement transmises aux consuls et agents consulaires étrangers. Toutes les facilités raisonnables devraient être offertes à ces consuls et agents pour se renseigner sur la condition de la santé publique dans leurs districts consulaires.

"Tout en ayant concédé qu'un essai de l'inspection des navires aux ports de départ devrait être fait dans certaines régions, je tiens néanmoins à indiquer quelques-unes des objections au système en général, relativement à son efficacité et aux entraves qu'il imposera nécessairement au commerce maritime.

"Pour ce qui concerne l'inefficacité: Si le système proposé doit avoir la valeur qui lui est attribuée, il devrait alors être imposé d'une façon uniforme dans tous les ports de départ d'un pays ou d'un district d'où l'exportation des maladies contagieuses et infectieuses est à craindre. Autrement ce serait comme si on cherchait à réparer un toit délabré et laissant pénétrer l'eau de toutes parts, en y bouchant deux ou trois trous sur une douzaine; car, bien des ports n'ont pas de consuls repré

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sentant une puissance étrangère, ni un bureau sanitaire, ni même un officier sanitaire auxquels on pourrait confier l'inspection en question. D'un autre côté, il y a des ports auxquels des consuls sont attachés, qui ont un mouvement considérable, et où, ainsi que cela se passe dans un grand nombre de ports, le chargement est effectué en rade, à de grandes distances des villes. Dans de pareilles circonstances, comment l'inspection serait-elle possible? Les États-Unis ont un corps consulaire plus nombreux que toute autre nation, et pourtant en ce qui concerne le commerce maritime avec le Canada et les autres possessions britanniques, pour un port où il y a un officier consulaire, il en existe deux ou trois où on n'en trouve pas. Quant aux grands ports de commerce, tels que Liverpool et New-York, il serait absolument impossible aux officiers consulaires, assistés d'un personnel médical quelque nombreux qu'il soit, de faire les inspections demandées. D'après les règlements rigoureux prescrits par le 'Passengers' Act,' les navires transportant des passagers sont soumis à un examen rigoureux par des officiers compétents et responsables. Les navires, leurs passagers, leurs équipages, leurs approvisionnements, enfin tout ce qui a trait à leur condition sanitaire est soigneusement examiné, et les personnes atteintes de maladies contagieuses ou susceptibles de les communiquer, ne sont pas admises à bord de ces navires. Malgré toutes ces précautions, on est cependant obligé de s'en tenir toujours à l'ancien système de quarantaine pour la protection de la santé publique. Je doute fort que les inspections faites par des étrangers puissent sensiblement diminuer les restrictions quarantenaires, et je pourrais ajouter qu'il serait très-hasardeux de diminuer la sévérité des quarantaines, par suite d'inspections préliminaires faites au port de départ. On peut comparer les quarantaines à un immense filet qui arrête tous les navires entrant dans un port; l'inspection, au contraire, faite par des agents étrangers, pourrait n'être qu'un piége et un leurre.

"Je passe maintenant à l'examen du second point, qui concerne les entraves apportées au commerce. De nos jours, où la navigation à vapeur tend à remplacer la navigation à voile, des délais de quelques. heures seulement sont extrêmement coûteux et vexatoires aux patrons et aux armateurs des navires, sans tenir compte des frais additionnels, des droits et des gratifications qui sont presque inévitables dans les grands ports, pour assurer la prompte expédition du navire. Les intérêts des consignataires et des importateurs doivent également être pris en considération. Les services des agents étrangers chargés de l'inspection, surtout s'ils sont médecins, doivent nécessairement être rétribués, ce qui entraîne de grandes dépenses additionnelles. Sur qui doivent retomber ces frais? C'est là une question importante.

"Malgré ces désavantages je suis pourtant, M. le Président, en faveur de l'inspection des navires, de leurs équipages, de leurs passagers et de leur cargaison, aux ports de départ, dans les limites géographiques que j'ai citées. Dans les régions tropicales, sinon dans d'autres régions, les

navires, avant leur chargement, devraient être, dans tous les cas, soumis à des fumigations, et leurs cales désinfectées. Cette simple mesure hygiénique devrait être prescrite impérativement par toutes les nations à tous les patrons de navires. Les résultats vraiment heureux obtenus pour la santé des équipages, grâce aux mesures prises pour l'extirpation du scorbut, nous fournissent un exemple de ce que l'initiative d'une seule nation peut faire pour sauvegarder la santé des équipages en mer. "La question de savoir si les inspections doivent être faites par des médecins appartenant aux bureaux de santé locaux, là où il en existe, ou bien par des médecins employés par les consuls, est purement de circonstance; les consuls ou agents consulaires du pays de destination devraient être tenus de prendre part à l'inspection, lorsqu'elle est faite par un officier de santé local. Je crains que dans la plupart des cas cette inspection ne soit faite par l'agent étranger du pays de destination. Les navires voyageant sous le pavillon du pays où ils sont en rade, seront naturellement inspectés par un officier du bureau de santé local, s'il existe un tel bureau dans l'endroit.

"J'admets pleinement que l'inspection des navires, et surtout de leurs équipages et de leurs passagers, pour être satisfaisante, devrait être faite par des médecins, mais je considère tout-à-fait impraticable la proposition que ces inspections soient faites par une commission internationale de santé. La plupart des gouvernements, d'ailleurs, se refuseraient à faire les dépenses qu'une pareille mesure nécessiterait.

"Il existe, M. le Président, des moyens bien plus efficaces à opposer à la naissance et au développement des maladies contagieuses, que ceux offerts par l'inspection des navires par des agents étrangers, par l'adoption de patentes de santé perfectionnées, ou même par l'établissement des quarantaines les plus rigoureuses. Ce serait l'adoption de mesures hygiéniques domestiques dans les pays où les fièvres malignes sont, pour ainsi dire, indigènes. L'adoption de telles mésures dans les régions tempérées a produit les plus heureux résultats. Dans les pays où la fièvre jaune sévit pendant presque toute l'année, on devrait adopter un système de drainage pour les villes, assainir et aérer les rues et les edifices, et surtout avoir de l'eau pure en abondance. Si de telles mesures hygiéniques venaient à être adoptées, nous pourrions espérer de voir, dans un avenir prochain, les maladies les plus malignes, sinon complétement extirpées, du moins réduites à des proportions telles que leur exportation dans d'autres pays ne serait plus tant à craindre. Que n'a-t-on pas fait jusqu'à présent pour diminuer et mitiger les ravages du choléra? C'est en grande partie à la crainte de voir la fièvre jaune importée du Golfe du Mexique aux États-Unis qu'est due la convocation de cette Conférence; et nous sommes tenus envers le gouvernement des ÉtatsUnis d'adopter les mesures les plus efficaces pour écarter de son territoire ce fléau redoubtable. Il ne m'appartient pas de dire jusqu'à quel point la négligence d'adopter des mesures hygiéniques efficaces a contribué au développement de la maladie dans certaines villes de l'Union.

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