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Entered according to Act of Congress, in the year 1863, by

HENRY DE MAREIL,

In the Clerk's Office of the District Court of the United States for the Southern District of New York,

ADRESSE AU ROI COTON.

Σ.

SIRE,

Vous avez fait une mauvaise action. Ce n'est pas tout d'être roi, le trône ne fût-il qu'un ballot; il faut encore être fidèle à la Constitution. Je vous parle sans flatterie; puisque j'ai entamé votre chapitre, j'irai jusqu'au bout de la bobine. Mais je demanderai auparavant à faire un retour sur le passé.

Si, au seizième siècle, du temps que Thomas Morus griffonnait son Utopie... Mais non, c'est remonter trop haut... Si, au dix-septième siècle, au moment où Fénelon élucubrait son royaume de Salente, un voyant avait pris la parole et avait dit:

"J'ai trouvé un télescope qui plonge dans le temps comme l'autre plonge dans l'espace !.... Or, je vois au bout de ma lunette quelque chose de plus merveilleux que l'Utopie de Morus et la Salente de l'arche vêque de Cambrai.

Je vois au delà du soleil couchant, de l'autre côté de l'Atlantique, un morceau de continent vingt fois grand comme la France, avec deux façades sur deux mers, l'une sur l'Europe, l'autre sur l'Asie. On dirait le centre du monde, l'empire du milieu. Au premier coup d'œil, c'est une contrée rébarbative, hérissée de fourrés ou inondée de savanes, Une soixantaine de rivières encore anonymes courent à l'aventure et interceptent de toutes parts le passage. Il n'y a là d'autres habitants que des loups ou des bisons, et çà et là des hommes si l'on veut, c'est-à-dire des carnassiers sur deux jambes qui, après six mille ans de réflexion, n'ont pu acquérir d'autre talent que de faire du feu le soir pour manger de la chair grillée.

"Et pourtant c'est sur cette terre desordonnée, encore dans la toilette du déluge, que de braves gens chassés d'Angleterre pour un point douteux d'interprétation biblique viendront chercher un refuge avec leurs femmes et leurs enfants, afin d'avoir le droit de comprendre la Bible à leur façon. Combien seront-ils? A peine une poignée d'hommes, le chargement d'une galiotte. Ils chanteront un psaume en touchant ce nouvel hémisphère, et, je tant un regard religieux sur le sol couvert de neige, ils mettront la main à la pioche.

Ils n'auront qu'une ambition: la prière et le travail; la prière pour gagner une autre vie, le travail pour gagner le loisir de la prière. Après avoir défriché le littoral, ils attaqueront bravement la barrière murmurante de la forêt vierge, prolongée à l'infini; ils délivreront le sol prisonnier enseveli sons une nuit de verdure; ils le mettront en relation directe avec le ciel, et le ciel y descendra en rosée et en moissons.

"Et ils iront toujours. En avant! Go ahead! sera le mot d'ordre de cette race héroïque. Cette contrée revèche, d'ailleurs, cache une arrière-pensée de bienveillance. Elle n'attend qu'une parole de l'homme pour passer à la civilisation. Voici des lacs immenses, ou plutôt des méditerranees appelées à un service de cabotage, et les soixantes rivières, embarrassantes au premier moment, serviront plus tard de routes ambulantes pour relier entre eux les divers centres de population. Enfin, le grand fleuve collecteur du Mississippi ramassera tous ces cours d'eau navigables dans sa promena de de mille lieues, et les emportera triomphalement avec leurs flotilles dans le golfe du Mexique.

"Et ils iront toujours et toujours à l'ouest, car la civilisation marche comme le soleil, et, quelque part qu'ils aillent, ils retrouveront le même climat qu'en Angleterre, le même hiver, le même été. Il ne tiendra qu'à eux de croire qu'ils avaient cousu les saisons de l'Europe dans les plis de leur manteau. Ils pourront donc transporter dans leur nouvelle résidence les productions de l'ancienne : le bé, le chanvre, leur potager, leur verger. Its pourront emmener avec eux leurs premiers compagnons d'existence: le bœuf, le cheval, le chien, le mouton, etc. Hommes et troupeau, ils débarqueront ainsi en famille, et, après quinze cents lieues de traversée, ils auront l'air d'avoir passé sur l'autre rive d'une même patrie.

II.

"Mais un jour viendra où cette colonie, à peine âgée d'un siècle, née du travail, multipliée par le travail, voudra monter au rang de nation et conduire elle-même son ménage. Il lui faudra lutter à outrance contre la métropole, la première puissance maritime, et peut-être aussi la remière puissance militaire de l'Europe. Mais l'Amérique du Nord aura confiarce dans sa destinée; une voix intérieure lui dira: Fais toujours ce que tu as peur de faire !.... Après la guerre à la nature, la guerre à l'Angleterre; ce n'est que changer de champ de bataille, et l'Amérique gagnera la partie. forcera l'Angleterre à signer l'acte de naissance des Etats-Unis, et le lendemain l'Atlantique verra passer pour la première fois un drapeau qui ne portera encore que treize étoiles.

Elle

"Je ne sais comment et par quel instinct secret plus puissant que la réflexion la république américaine trouvera la forme de gouvernement la plus parfaite pour occuper et pour régir la moitié d'un continent; mais enfin elle la trouvera, du premier ou du second coup, peu importe. L'individu maître de lui-même pour tout ce qui concerne le moi; la commune indépendante dans ses actions pour tout ce qui regarde la vie de clocher; l'Etat souverain pour tout ce qui intéresse la population constituée en corps d'Etat, et la fédération, enfin, arbitre suprême pour tout ce qui co-intéresse les Etats: voilà la Constitution américaine, c'est-à-dire la société même copiée sur nature et transcrite sur le papier.

"Le peuple souverain y déléguera, mais y retiendra toujours la souveraineté. Administration, jury, législature, gouvernement, tout pouvoir sortira du peuple et replongera dans le peuple à l'extinction de son mandat.

"L'élection y formera en quelque sorte un appareil de distillation toujours en exercice qui vaporisera l'opinion publique pour la verser au ponvoir. Au sommet de tout cela, enfin, il y aura un président élu, qui gouvernera trente millions d'hommes aux prix réduit de cent vingt mille francs, et

habitera une maisonnette. Quand il aura fini son temps, il rentrera dans la foule et ira semer son trèfle et sa luzerne.

"Admirable organisme qui produit à la fois un double mouvement d'expansion et de concentration: d'expansion pour coloniser au dehors, de concentration pour ramener les diverses colonies à l'unité de patrie. Et ainsi la Constitution américaine élèvera autour de la liberté autant d'enceintes retranchées qu'il y aura d'Etats dans la fédération, si bien que, de toutes les impossibilités, la plus impossible serait l'hypothèse d'un César yankee qui enjamberait le cadavre de la république pour escalader le souverain pouvoir.

"A mesure que l'émigration américaine défrichera ce qu'on n'appellera encore qu'un Territoire, la Constitution étoilée accompagnera en quelque sorte pas à pas, dans l'Ouest, le travail nomade du pionnier. Lorsque ce nouveau Territoire aura atteint un chiffre légal de population, la Constitution le saisira immédiatement pour l'incorporer dans la famille des Etats, et une étoile de plus brillera sur le drapeau de la république.

"La fédération polype repoussera ainsi de bouture, et enlacera toutes les nouvelles éclosions de colonies, à l'Ouest, dans les liens simples d'une unité qui protége toutes les parties intégrantes de l'Union, sans jamais pouvoir en asservir aucune. Et, pourtant, qui le croira? Ce chef-d'œuvre de Constitution sortira en quelque sorte du hasard, ou, si vous aimez mieux, d'un compromis. Un destin caché l'aura sans doute dictée, comme si elle devait un jour porter un monde

III.

"La liberté seule a le don de création; grâce à la liberté, la république américaine fera explosion dans l'espace. L'homme y gagnera le temps de vitesse. A peine le douzième ou le quinzième fi's d'un même père aura-t-il touché l'âge de raison, qu'il attellera une charrette et la charge a du bagage laconique d'un émigrant; il embrassera ensuite sa famille et il fouettera son cheval.

"Où ira-t-il? Au grand Ouest. Quand il aura trouvé une propriéte convenable sur le dom ine commun, il attaquera la forêt à coups de hache, i ensemencera la clairière de maïs et y bâtira une cabane à la lisière.

Le

jour où il aura un toit pour reposer sa tête, il pensera que deux têtes y reposeront encore mieux; sur cette réflexion, il allumera sa pipe et retournera sur son bidet au village de son enfance.

曩 " Il y viendra chercher une compagne; il épousera la première venue. Il pourra mettre au hasard la main à la loterie. Il y puisera toujours l'esprit d'ordre et de travail. La vertu, vo là la dot de la jeune fille américane. Quant à l'autre dot, il n'en sera pas question. Comment vivront

les enfants? Ils émigreront à leur tour.

"Sitôt que le pionnier aura reçu la bénédiction nuptiale, il reprendra en compagnie de sa femme le chemin de sa cabane; mais emmènera cette fois un mobilier et un troupeau. Quelque temps après, le prédicant à che val, chargé de distribuer Dieu dans le désert, passera devant une nouvelle ferme improvisée, et il verra un essaim de marmots jouer au seuil de la porte sou l'arche embaumée d'un rosier.

"L'homme attire l'homme dans la chimie sociale, comme la molécule dans un autre ordre de composition. Une nouvelle cabane viendra chercher le voisinage de la cabane déjà construite, par raison de sympathie en même temps que de sécurité. Bientôt l'industrie apportera son coucours à l'agri

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