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PALÉM O N.

Ce n'est pas nous au moins que poursuivent leurs coups,
Qui pourroit leur déplaire en d'innocens asyles!
Élever nos troupeaux, rendre nos champs fertiles,
Ne sont point des forfaits dignes de leur courroux.

LYCA S.

Eh bien ! restons ici. La foudre, sur nos têtes,
Fait déjà retentir ses longs ébranlemens ;

Du fond de leurs sombres retraites,

Entends-tu des troupeaux les sourds mugissemens?
Ils sont tous déchaînés, les enfans des Tempêtes.
Vois l'Olympe vomir un déluge de feux,
Des arbres fracassés vois se courber la cime,
Et les flots combattus des vents séditieux,
En rochers escarpés s'élever jusqu'aux cieux,
Puis, énormes torrens, retomber dans l'abîme.
PALÉM O N.

Ciel !........ un vaisseau, Lycas !.... A ces infortunés,
Sauvez, dieux immortels, sauvez du moins la vie.
Mais sur eux, à grand bruit, la vague appesantie.....
Sous les flots tournoyans ils roulent entraînés.....
Malheureux ! pourquoi fuir votre douce patrie ?
l'y pouviez-vous en paix goûter un heureux sort,
jans affronter des mers l'horrible précipice?
Foyez où vous conduit une folle avarice,

Vous cherchiez la richesse, et vous trouvez la mort.

LYCA S.

leurs larmes, en vain, vos enfans solitaires

Arroseront les foyers paternels;

En vain, dans leurs tendres prières,
Iront-ils de Neptune embrasser les autels;
Il est fermé pour vous le tombeau de vos pères.
Dieux ! si vous nous aimez, ne souffrez pas au moins
Que pour chercher comme eux une vaine opulence,
J'abandonne les champs où je pris la naissance,
Lorsque mon seul troupeau suffit à mes besoins.
PALÉM O N.

Viens, descendons, Lycas. Peut-être sur la plage,
Trouverons-nous leurs corps revomis par les flots:
S'ils vivent, de leurs sens nous leur rendrons l'usage;
S'ils ne sont plus, de propices tombeaux,
A leurs mânes plaintifs, sur l'infernal rivage,
Vont assurer un éternel repos.

Ils descendent soudain. Étendu sur l'arène,
Un jeune homme y rendoit le soupir de la mort.
Rien ne put ranimer son expirante haleine,
Son tombeau, de leurs mains, fut creusé sur ce bord.
Et lorsqu'ils y venoient, aux dieux du sombre empire
Porter, en sa faveur, leurs vœux compatissans,
Des avares humains ils plaignoient le délire,
Et reprenoient joyeux leurs travaux innocens,

LA CHANSON DE LA NUIT.

L'AMOUR connoît-il le repos ?

Au temps où le sommeil, d'une urne bienfaisante,
Verse à tous les mortels l'oubli de leurs travaux,
Daphnis veilloit au seuil du toit de son amante,
Et sur la plaine, et dans les airs,
Regnoit profondément un amoureux silence.
Phœbé, discret témoin, l'Écho des champs déserts,
Étoient seuls dans sa confidence.

A demi-voix, Daphnis chanta ces vers,

La nuit livre au repos la nature épuisée;
O Phyllis ! du sommeil goûte en paix les douceurs,
Telle qu'au sein d'uò lis dont la fraîche rosée,
Quand nul zéphyr encor ne balance les fleurs.

Vous, songes des hameaux, des plus douces images,
Bercez légèrement son esprit satisfait;

N'offrez à ses regards que de verts pâturages,
Et de jeunes brebis plus blanches que leur lait.

Sous un berceau de myrte, au sein d'une onde pure,
Qu'elle croie agiter ses membres frémissans;
Tandis que mille oiseaux, cachés dans la verdure,
En un joyeux concert unissent leurs accens.

Poésies.

Qu'un de vous à ses pieds daigne enfin me conduire.
Elle ignore les maux qu'Amour me fait souffrir.
Ah! sur sa bouche alors puisse naître un sourire,
Et de son cœur ému s'échapper un soupir!

Ainsi chanta Daphnis. Puis d'une main légère,
En longs festons, au toit de sa bergère,
Il suspendit la rose et le jasmin.'
Bientôt de sa cabane il reprit le chemin,

Les doux songes de l'espérance,

Des heures de la nuit trompèrent la longueur.
Le jour alloit briller, joyeux il le devance,
Vole au toit de Phyllis, la cherche, à sa présence,
Voit son front s'animer d'une vive rougeur.
Il voulut lui parler, n'en eut point le courage,
Mais il vit que des yeux la belle le suivit
Jusques au détour du bocage;

Elle avoit entendu la chanson de la nuit.

LE SÉNATEUR DEVENU BERGER.

ÉLEVÉ, dans Corinthe, aux suprêmes grandeurs,

Contre d'avides oppresseurs,

Phoclès avoit du peuple embrassé la défense;
Mais, victime à son tour de leur lâche puissance,
Dépouillé de ses biens, privé de ses honneurs,

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Banni des lieux de sa naissance,

Il se vit relégué parmi d'humbles pasteurs.
De ses concitoyens la noire ingratitude,
Accabla quelque temps son cœur navré d'ennuis.
Il consumoit les jours, il consumoit les nuits,
A gémir dans la solitude.

Errent seul un matin en son nouveau séjour,
Le sort le conduisit sur de hautes montagnes,
D'où son œil, dans l'éclat des feux naissans du jour,
Embrassoit d'immenses campagnes.
Ici, sur des rochers, un torrent écumant
Précipitoit ses ondes en furie ;

Là, de petits ruisseaux, sur la plaine fleurie,
S'enlaçoient amoureusement.

De cent parfums divers les essences légères,
Les trésors étalés au penchant des coteaux,
Les chants de l'alégresse, aux rustiques travaux,

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