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Et mon bonheur de son sourire!
Cet esclave à mes pieds soumis,
J'irois me le donner pour maître !
Pardonne, Hymen, ce fier mépris.
Tes plaisirs sont charmans peut-être,
Mais ils sont trop chers à ce prix.
CÉPHIS E.

Vous qui du Ciel reçûtes un cœur tendre,
Ah! de l'amour craignez, craignez les feux;
Étouffez bien le soupir amoureux

Qu'un faux langage est prêt à vous surprendre.
Pour attirer l'imprudent voyageur,

Telle on entend une hyène perfide
Remplir les bois de longs cris de douleur.
Las! à Daphnis qui n'eût donné son cœur!
Je le croyois si tendre, si timide!
Son jeune front peignoit tant de candeur!
Il m'a trompée, ô dieux! dans ma foiblesse,
Je l'aime encore; et lui, sans s'attendrir,
li voit sécher la fleur de ma jeunesse.

Le traître au sein d'une heureuse maîtresse,
Qui le croiroit! je l'entends s'applaudir
D'avoir séduit ma crédule tendresse.

LYCO RIS.

Dieux! de quels doux plaisirs s'enivrent deux époux, Dont l'amour a formé la chaîne fortunée !

Quel spectacle enchanteur de voir autour de nous

Les gages innocens d'un paisible hyménée,

D'une main caressante embrasser nos genoux

En formant aux vertus un cœur flexible et tendre,
Quel plaisir de le voir répondre à ces doux soins!
Dans le tombeau sans doute un jour je dois descendre,
Mais je ne mourrai pas toute entière, et du moins
Mon fils de quelques fleurs viendra couvrir ma cendre.
Mon nom par ses enfans sans cesse répété,
A leurs derniers neveux passera d'âge en âge ;
Ils me béniront tous. Chloé, ta liberté
Vaut-elle les liens d'un si cher esclavage?

CHLOÉ.

Ah! si dans les jeux et les ris,

L'Hymen laissoit couler ma vie !

CÉP HIS E.

Ah! si l'Hymen, de mon ame flétrie,
Pouvoit bannir l'image de Daphnis !

Hymen les entendit. Jaloux de sa puissance,
Ce dieu leur fit sentir sa douce volupté.
De son berger, Céphise oublia l'inconstance,
Et Chloé, conservant son aimable gaîté,
Ne perdit que l'indifférence.

LA PROMESSE TROP BIEN GARDEE.

DAPHNIS ET PHYLLIS.

Au sein d'un doux sommeil, Daphnis, sous un feuillage,

Du midi bravoit les fureurs,

Lorsqu'il sentit un nuage de fleurs,

Qui, par flocons légers, voloit sur son visage.
Il ouvre un peu les yeux, et sur l'herbe, à deux pas,
apperçoit Phyllis qui lui tendoit les bras.

S'il voulut s'y jeter, c'est chose vaine à dire ;
Mais des fleurs l'enchaînoient, il le voulut en vain.
Et voilà que Phyllis se mit si fort à rire,

Que son bouquet s'échappa de son sein.
Ah! méchante, dit-il, tu ris; mais de ma chaine,
Dans un moment, je vais me dégager,

Et tu verras si je sais me venger.

Il eut beau se débattre, il y perdit sa peine.
Te venger ? dit Phyllis; oui, si je romps tes nœuds;

Mais si je le faisois, ça voyons, et pour cause,

Dis, comment prétends-tu te venger?

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Oh! je veux

Te donner tant de baisers amoureux
Que ta joue en sera rouge comme une rose.

• Qui-dà! si c'est ainsi, tenez, mon cher Daphnis,

Riez, pleurez, mettez-vous en colère,

Point ne vous délirai, que ne m'ayez promis

De ne point m'embrasser pendant une heure entière.
-Phyllis,comment veux-tu ?.. Phyllis s'obstine.-Eh bien!
Soit, pas un seul baiser. Phyllis alors s'empresse
De rompre ses nœuds : le moyen!

Disoit-elle tout bas, qu'il tienne sa promesse !
Mais lui, pour se venger, contraignit son desir.
Sans l'embrasser, il reste assis près d'elle.
Un moment passe, et deux. On hasarde un soupir;
Puis un coup-d'œil, puis un mot. Le rebelle
Voit, entend tout cela sans se laisser fléchir.
Daphnis, dit-elle enfin, l'heure est, je crois, passée.
A peine est-elle commencée,

Répondit-il. Phyllis sourit,
Non toutefois sans un secret dépit.
Elle attend; mais bientôt, d'un air d'impatience,
Oh! sûrement l'heure vient de passer.

-Ypenses-tu ?-Qu'importe? Allons,plus de vengeance. Comment as-tu donc fait pour ne pas m'embrasser ? Dans ses mains aussi-tôt la belle, avec adresse, Cache à demi son front. Le berger triomphant Par cent baisers alors satisfait sa tendresse. Il gagnoit de bien peu. Las! encore un moment L'Amour emportoit sa promesse.

L'ESPÉRANCE.

Le vieillard LAMON, LYSIS, et SA FEMME, tenant son fils à la mamelle.

LAMO N.

AMIs, quel désespoir est peint sur vos visages!

Pourquoi fouler aux pieds vos naissantes moissons?

LYSI S.

Laisse-nous fuir ces odieux rivages.

LA MO N.

Quoi! lorsque par vos soins ces champs rendus féconds...

LY SI S.

Que ne sont-ils encor rongés d'herbes sauvages!

L A FEMME.

O cher époux ! enchaînés à tes pas,

Mon fils et moi toujours nous suivrons notre père.
Mais cependant pourquoi fuir ta chaumière ?
Quand le sort nous poursuit, quel autre asyle, hélas !\
S'ouvriroit à notre misère ?

LYSI S.

Un désert, ou la mort. Ces infâmes bourreaux !

A quel excès ils portoient la furie !

Dans leur avare barbarie,

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