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Tous deux alors, en se donnant la main,

Tournent leurs pas vers le coteau prochain
Ils y trouvent le dieu sous la voûte éternelle
D'un vaste et ténébreux sapin.

Là, s'étant prosternés aux pieds de sa statue
Ils adressent au dieu leur prière ingénue.

CHLOÉ.

O Pan! nous t'implorons, daigne nous secourir.
Toi qui sais tout, tu sais que notre père
Est, depuis bien des jours, en danger de mourir.
Je n'ai pas, dieu puissant, de grands dons à te faire,
Ces fleurs sont tout mon bien, je viens te les offrir.
Vois, à tes pieds, je pose ma guirlande.

J'aurois voulu, si j'eusse été plus grande,
En couronner ton front, en orner tes cheveux;
Mais je n'y puis atteindre. Accepte cette offrande,
Et rends, dieu des bergers, rends un père à nos vœux.

MYR TIL.

Qu'avons-nous' fait, hélas! pour te déplaire!
Car, en frappant notre malheureux père,
Je le vois bien, c'est nous que tu punis.
Pour t'appaiser, ô Pan! je t'apporte ces fruits :
Laisse à nos vœux désarmer ta colère.

Tout ce que nous avons, nous le tenons de toi.
Je t'aurois immolé ma chèvre la plus belle ;
Mais elle est plus forte que moi.

Quand je serai plus grand, je t'en donne ma foi,
Je t'en offrirai deux à la saison nouvelle.

CHLOÉ.

Tiens, voici mon oiseau. Vois, pour me consoler,
Les tendres amitiés qu'il s'empresse à me faire.
Sur mon cou, sur mon sein, regarde-le voler:
Eh bien! je vais..... je vais te l'immoler,
Pour que tu sauves notre père.

MYRTIL.'

Tourne aussi tes regards sur mon petit lapin.
Vois, je l'appelle, il vient. Il croit qu'à l'ordinaire,
Je voudrois lui donner à manger dans ma main;
Mais non, je vais te l'immoler soudain,
Pour que tu sauves notre père.

Ses petits bras tremblans l'alloient déjà saisir,
Sa sœur l'imitoit en silence;

Lorsqu'une voix : « Aux vœux de l'innocence,
Les dieux se laissent attendrir.

Non, ils n'exigent point ces cruels sacrifices,
Gardez, mes chers amis, ce qui fait vos délices ;
Votre père n'est plus en danger de mourir. »>

La santé, dès ce jour, fut rendue à Pélage.
Sauvé
par ses enfans, ce jour même, avec eux,
Au dieu conservateur il courut rendre hommage.
Il vit ses petits-fils peupler son héritage,
Et de ses petits-fils vit encor les neveux.

IDYLLE XII.

LES DELICES DE L'HYMEN.

CHLOÉ, CÉPHISE ET LYCORIS.

SOUS

Ous un tilleul dont les rameaux fleuris,
Étroitement enlaçoient leur feuillage,

Chloé, Céphise et Lycoris

Goûtoient le charme de l'ombrage.

Des parfums du matin la suave fraicheur,
Le calme au loin répandu sur les plaines,
L'instinct voluptueux qui porte un jeune cœur
A chanter ses plaisirs, comme à pleurer ses peines,
D'un tendre épanchement inspiroient la douceur.
Pour moi, près de ces lieux, pour rêver à Zémire,
Conduit en secret par l'Amour,

Je l'entendis, je vais vous le redire,
Ce que leurs voix chantèrent tour-à-tour.
CHLOÉ.

Du repos de l'indifférence

Que mon cœur se plaît à jouir!
L'amour à ma simple innocence
Ne coûta jamais un soupir.
D'un jeune berger, sans rougir,
Mon front supporte la présence.
Lâches flatteurs, cessez vos chants;

Que gagnez-vous à me le dire?

J'ai vu, dans ces flots transparens,
Tout le charme de mon sourire.

Mieux que vous, l'écho, de ma voix,
Me peint la flexible justesse.
Je sais que des nymphes des bois
Ma taille égale la souplesse,
Mon ombre me l'a dit cent fois,
Telle qu'une biche légère,
Qu'on voit bondir sur les coteaux
Laissez-moi, folâtre bergère,
Dans les fêtes de nos hameaux,

Fouler en dansant, la fougère.

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Jadis, Chloé, sans amour, comme toi,
Par ma gaité j'excitois mes compagnes ;
Un imposteur vint surprendre ma foi,
Et dès ce jour, hélas ! de nos campagnes,
Tous les plaisirs furent perdus pour moi.
Au sein joyeux du cercle de la danse,
J'entre aujourd'hui les yeux chargés de pleurs.
Mon pied distrait rompt cent fois la cadence.
Mon sein brûlant sèche mes nœuds de fleurs.
Et quand la nuit, sur la nature entière,
Du frais sommeil disperse les pavots,
J'implore en vain les douceurs du repos,
Je me désole en mon lit solitaire,

Et le matin n'adoucit point mes maux.

LYCORI S.

Heureux jour où l'Hymen, du sein de ma famille,
Me conduisit, Zulmis, dans tes bras caressans!
Hymen! dieu bienfaiteur! Eh! d'une jeune fille
A quoi servent sans toi les charmes ravissans?
Telle est la fleur stérile éparse dans nos champs.
Sur sa tige superbe un moment elle brille,
Puis meurt sans rejetons pour un second printemps.
En de frivoles jeux perdrois-je mon bel âge?
La main du Temps, si lente à former la beauté,
Souvent, d'un trait rapide, efface son ouvrage.
Ah! lorsque les ennuis en sont le seul partage,
Qu'on doit bien déplorer sa triste liberté !
Pour nous, dès notre enfance unis par la tendresse,
Nous nous aimons, Zulmis, pour nous aimer toujours.
Le Temps peut de sa faux trancher notre jeunesse,
La mort, la seule mort finira nos amours.

CHLOÉ.

Que Lycoris se croie heureuse !
Hymen, Hymen, va, je connois,
Je connois ta douceur trompeuse,
Tes plaisirs semés de regrets.
Et crois-tu que de tels bienfaits,
D'une insouciance joyeuse,
Puissent balancer les attraits ?
Quoi! de mes jours livrant l'empire
Aux mains d'un tyran orgueilleux,
De ses loix dépendroient mes vœux,

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