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Les enfans écrasés sous les pieds des chevaux,

De morts et de mourans les campagnes jonchées, Et le long des sillons, le sang, à grands ruisseaux, Roulant les moissons arrachées.

(Il rejette l'urne avec indignation.)

Celui de qui la tombe aime à se surcharger

De ces peintures inhumaines,

N'est sûrement pas un berger.

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C'est un monstre. La paix faisoit fleurir ces plaines,
Le cruel vint les ravager.

L'homme y respiroit libre, il l'accabla de chaînes.
Tel qu'on voit un loup affamé

S'élancer, en hurlant, sur des troupeaux timides;
Contre un peuple ingénu, paisible et désarmé,
Il tournoit, à grands cris, ses armes homicides.
Les mains teintes encor du sang de nos aïeux,
Croyant éterniser sa funeste victoire,
Lui-même, il s'éleva ce monument pompeux.
Il vouloit, l'insensé ! que nos derniers neveux
Pussent maudire sa mémoire ;

Et voilà cependant son tombeau renversé :
Voilà dans le bourbier sa cendre croupissante:
L'insecte le plus vil rampe, sans épouvante,
Le long de son glaive émoussé.

Le souvenir de ses excès impies

Est tout ce qui survit de sa folle grandeur.
Sans qu'une voix, au ciel, s'élève en sa faveur,

Ses mânes criminels sont en proie aux Furies,

Tout mort qu'il est, son nom est en horreur. Non, quand on m'offriroit la puissance suprême, S'il me falloit l'acheter à ce prix,

J'aime mieux vivre en paix avec moi-même, Et n'avoir pour tout bien que deux seules brebis ; Encore aux immortels irois-je en offrir une > Pour les remercier de mon humble fortune.

LE VOYAGEU R.

Éloignons-nous, Berger. Ces objets odieux
Ont pénétré mon cœur d'une tristesse amère.

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Eh bien! suis-moi. Si la vertu t'est chère,

Un plus beau monument va s'offrir à tes yeux.

VOYAGEUR.

LE

Est-ce d'un autre roi?

LE

BERGER.

C'est celui de mon père.

Il le conduit alors, par de rians sentiers,

Vers une paisible chaumière,

Que protégeoient de grands arbres fruitiers.)

LE

VOYAGEUR.

Les beaux lieux ! Mais la nuit s'avance,

Il ne me reste qu'un moment,

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Hâtons-nous vers le monument.

LE BERGER.

Jette les yeux sur cette plaine immense.

Vois-tu ces vignobles féconds,

Les troupeaux dispersés sur ces gras pâturages?
Vois-tu ces bords couverts de fertiles moissons,
Et ces jardins et ces bocages?

Voilà le monument que mon père a laissé.

Nos champs, ravagés par la guerre, N'offroient qu'un sol désert, de ronces hérissé ; Il vint, et l'abondance enrichit cette terre. Trop sage pour chercher de frivoles honneurs, Il creusa son tombeau sous cette informe pierre ; Mais tous les jours nous la couvrons de fleurs : Des dieux, par ses bienfaits, il fut l'auguste image, ll recevra, comme eux, notre éternel hommage, Et ses autels sont dans nos cœurs

IDYLLE IV.

L'ORAGE.

SILVANIRE ET BLANCHETTE.

JA vieillissoit l'automne. Au long d'un frais bocage

Silvanire et Blanchette alloient parlant d'amour.
Voici de loin s'épandre un sombre et lourd nuage
Sur la vive face du jour.

L'air d'abord un petit sommeille en paix profonde,
Si que ne tremblottoit feuille d'aucuns roseaux.
Puis brillent longs éclairs, bruyant tonnerre gronde,
Prolongé d'échos en échos.

Où fuir? tant s'obscurcit l'ombre tempestueuse !
Là près, est vieille roche. Ils s'en courent dedans.
Et leur sort ne plaignez. Roche, tant soit affreuse,
Est doux Olympe à vrais amans.

Or la nue à torrens roule aux flancs des montagnes.
La grêle sautillante encomble creux sillons;
Diriez foudres et vents, par les vastes campagnes,
Guerroyer en noirs tourbillons.

A sa Blanchette en vain par doux mots et caresses,
Bien veut l'ami berger cacher telles horreurs ;
Bien lui veut-elle aussi rendre douces tendresses,
Et ne lui viennent que des pleurs.

Voyez, dit-elle, ami, voici venir froidure,

Ne vont plus oiselets s'aimer jusqu'aux beaux jours:
Or s'aimoient comme nous; comme eux, si d'aventure
Allions nous trouver sans amours!

L'ami, d'un doux baiser, fait loin fuir ses alarmes ;
L'orage, à ne mentir, loin fuyoit-il aussi.
Tournons au pré, dit-elle, en étanchant ses larmes,
Là, n'aurai tant cruel souci.

Et rameaux fracassés, et verdure flétrie,
D'un trop affreux semblant, ici tout peint l'hiver :
De plus joyeux pensers aurons par la prairie,
Voyant encore son beau verd.

Au pré s'en vont tous deux. Oh! que de fois Blanchette
Au ruissel qui l'arrose a conté son bonheur !
Mais sur ses bords à peine advient la bergerette,
Oh! quel trait aigu poind son cœur !•

Plus n'est-il ce ruissel, où, l'été, fraîches ondes
Doucettement baignoient siens membres délicats;
Plus n'est qu'un noir torrent, qui, ses eaux vagabondes,
Fait bouillonner en grand fracas.

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