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Il a laissé mon père, en nous quittant ce soir,
Dans les déchiremens d'une fièvre brûlante.
Pourquoi l'ai-je si-tôt contraint de s'en aller?

Au fond du cœur, je ne le voulois guère :
Mais il gémissoit tant de voir souffrir mon père,
Il m'auroit fait mourir. Ah! pour le consoler,
Si j'osois.... Du penchant de l'aride montagne,
Où s'élève son toit, Doris, d'un pied léger,
Monte au sommet, et loin, dans la campagne,
Cherche des yeux le toit de son berger.

Par bonheur, reprit-elle, il veille. Sa chaumière
Est éclairée encor d'une foible lumière.

Je vais faire un grand feu. Chaque soir, je le sais,
Il adresse à l'Amour une tendre prière,

En tournant vers ces lieux ses regards satisfaits.
Il verra ce signal, il sait ce qu'il veut dire ;
Je vais le voir dans un moment.

Elle dit, et cédant à l'Amour qui l'inspire,
Dans sa cabane elle descend.

Le bon vieillard dormoit profondément.
La voilà qui choisit un gros faix de ramée,
Prend du feu, puis remonte. Elle souffle. Un bûcher
S'allume; et dans le sein d'un torrent de fumée,
Bouillonne, en pétillant, une vague enflammée,
Qui s'élève en colonne, et rougit le rocher.
Un grand vent de la flamme accroît la violence;
Le brasier dévoré touche presque à sa fin:
Tyrcis n'a point paru. Pleine d'impatience,

Doris vole sur le chemin.

La peur de s'éloigner un peu trop de son père,
L'empêche d'aller bien avant;

Bientôt elle s'arrête, et revient lentement,

L'oreille au guet, l'œil sans cesse en arrière
Oubliroit-il, ce soir, sa prière à l'Amour?
Dit-elle, à petits pas marchant triste et rêveuse :
S'il alloit m'oublier un jour!

Mais quelle image plus affreuse
Vient la frapper à son retour!

Du haut du mont, le vent, sur la chaumine,
A fait voler un branchage allumé;

Déjà le toit, à demi-consumé,

Gémit, s'ébranle et va fondre en ruine.
Tout périt; la brebis et ses agneaux bêlans,
Franchissant de leur parc la barrière fumante,
Se roulent, poursuivis par l'ardeur dévorante

Du chaume en feu qui s'attache à leurs flancs. Quel nouveau trait vient déchirer son ame! Elle entend du vieillard la lamentable voix; Elle arrive, s'élance. Un tourbillon de flamme Loin du seuil embrasé la renverse. Trois fois Elle veut s'y jeter, et trois fois repoussée, De deux bras palpitans elle se sent pressée. Dieux ! mon père !... oui, c'est lui. L'intrépide Tyrcis De la flamme a vu le ravage;

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part, gravit le mont. Sur de brûlans débris,

Il s'ouvre un rapide passage,

Il a sauvé le vieux Pélage,

Ils sont dans les bras de Doris.

O Doris! ô tendre Bergère !
Oh! qui diroit ton vif saisissement !
De mille ardens baisers elle couvre son père;
Elle sourit à son amant.

Le vieillard, en les embrassant,

Tourne encore un regard vers sa triste chaumière.
Mais Tyrcis, d'amour éperdu :

Que la flamme, dit-il, redoublant sa furie,
Consume maintenant toute la bergerie;

Tu vis, ô bon vieillard! nous n'avons rien perdu.
Le sort m'avoit ravi le père le plus tendre:

Le sort, si tu le veux, est prêt à me le rendre.
Viens, sois mon père: il dit, le serre entre ses bras,
Et vers son toit il l'emporte à grands pas.

L'OISE A U.

MILON, dans un bosquet, avoit pris un oiseau.

Du creux de ses deux mains il lui forme une cage;
Et, courant tout joyeux rejoindre son troupeau,
Il pose à terre son chapeau,

Et par-dessous met le chantre volage.

Je vais chercher, dit-il, quelques branches d'osier, Attends-moi là. Dans moins d'une heure,

Je te promets, mon petit prisonnier,

Une plus riante demeure.

Quel plaisir d'offrir à Cloris

Ce nouveau gage de tendresse!

Il faut que deux baisers au moins en soient le prix.
Qu'elle m'en donne un seul ! avec un peu d'adresse
Ne suis-je pas bien sûr d'en voler cinq ou six ?
Oh! si déjà la cage étoit finie!

Il dit, part, s'éloigne à grands pas,
Court au lac, trouve un saule, et rentre en la prairie,
Un faisceau d'osier sous le bras.

Mais de quelle douleur son ame est accablée!
Un vent perfide avoit retourné le chapeau;
Et sur les ailes de l'oiseau,

Tous les baisers avoient pris la volée.

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Et vois ce qu'en ces lieux j'ai trouvé sous mes pas,

D'une colonne, éparse en mille éclats,

Le marbre enseveli sous la ronce sauvage.

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Ne vois-je pas encore une urne renversée ?

Allons-y.

LE BERGER, la retirant du bourbier.

La voilà.

LE VOYAGEUR, en la considérant avec effroi

Que vois-je ? justes dieux!

Quelle scène d'horreur sur ce vase est tracée!

Le feu dévorant les hameaux,

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