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Cherchez autour de vous de riches connoissances

Qui, charmant vos loisirs, doublent vos jouissances.
Trois règnes à vos yeux étalent leurs secrets.

Un maître doit toujours connoître ses sujets :
Observez les trésors que la nature assemble.

Venez; marchons, voyons, et jouissons ensemble.
Dans ces aspects divers que de variété !
Là tout est élégance, harmonie et beauté.
C'est la molle épaisseur de la fraîche verdure;
C'est de mille ruisseaux le caressant murmure,
Des coteaux arrondis, des bois majestueux
Et des antres rians l'abri voluptueux.
Ici d'affreux débris, des crévasses affreuses,
Des ravages du temps empreintes désastreuses;
Un sable infructueux, aux vents abandonné ;
Des rebelles torrens le cours désordonné ;
La ronce, la bruyère et la mousse sauvage,

Et d'un sol dévasté l'épouvantable image.

Par tout des biens, des maux, des fléaux, des bienfaits! Pour en interpréter les causes, les effets,

Vous n'aurez point recours à ce double génie,

Dont l'un veut le désordre, et l'autre l'harmonie :

Pour vous développer ces mystères profonds,

Venez, le vrai génie est celui des Buffons.

Autrefois, disent-ils, un terrible déluge, Laissant l'onde sans frein et l'homme sans refuge, Répandit, confondit en une vaste mer,

Et les eaux de la terre et les torrens de l'air;

Où s'élevoient des monts, étendit des campagnes ;
Où furent des vallons, éleva des montagnes ;
Joignit deux continens dans les mêmes tombeaux ;
Du globe déchiré dispersa les lambeaux;
Lança l'eau sur la terre et la terre dans l'onde,
Et roula le chaos sur les débris du monde.
De là ces grands amas dans la terre enfermés,
Ces bois, noirs alimens des volcans enflammés,
Et ces énormes lits, ces couches intestines,
Qui d'un monde sur l'autre entassent les ruines..

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Ailleurs d'autres dépôts se présentent à vous, Formés plus lentement par des moyens plus doux. Les fleuves, nous dit-on, dans leurs errantes courses, En apportant aux mers les tributs de leurs sources, Entraînèrent des corps l'un à l'autre étrangers, Quelques-uns plus pesans, les autres plus légers. Les uns au fond de l'eau tout-à-coup se plongèrent; Quelque temps suspendus les autres surnagèrent, De là précipités dans l'humide séjour,

Sur ces premiers dépôts s'assirent à leur tour.

Des couches de limon sur eux se répandirent,
Sur ces lits étendus d'autres lits s'étendirent;
Des arbustes sur eux gravèrent leurs rameaux,
Non brisés par des chocs, non dissous par les eaux,
Mais dans leur forme pure. Envain leurs caractères
Semblent offrir aux yeux des plantes étrangères, 2
Que des fleuves, des lacs et des mers en courroux
Le roulement affreux apporta parmi nous :
Leurs traits inaltérés, les couches plus profondes
Des lits que de la mer ont arrêtés les ondes;
Souvent deux minces lits, léger travail des eaux,
L'un sur l'autre sculptés par les mêmes rameaux;
Tout d'une cause lente annonce aux yeux l'ouvrage.
Ainsi, sans recourir à tout ce grand ravage,
Le sage ne voit plus que des effets constans,
Le cours de la nature et la marche du temps.

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Mais j'aperçois d'ici les débris d'un village: D'un désastre fameux tout annonce l'image. Quels malheurs l'ont produit? avançons, consultons Les lieux et les vieillards de ces tristes cantons. Dans les concavités de ces roches profondes, Où des fleuves futurs l'air déposoit les ondes, L'eau, parmi les rochers se filtrant lentement, De ces grands réservoirs mina le fondement.

Les voûtes, tout-à-coup à grand bruit écroulées,
Remplirent ces bassins, et les eaux refoulées,
Se soulevant en masse et brisant leurs remparts,
Avec les bois, les rocs et leurs débris épars,
Des hameaux, des cités traînèrent les ruines.
Leur cours se lit encore au creux de ces ravines,
Et l'hermite du lieu, sur un décombre assis,
Aux voyageurs encore en fait de longs récits. 4
Ailleurs ces noirs sommets dans le fond des campagnes
Versèrent tout-à-coup leurs liquides montagnes,
Et le débordement de leurs bruyantes eaux
Forma de nouveaux lacs et des courans nouveaux.
Voyez-vous ce mont chauve et dépouillé de terre,
A qui fait l'aquilon une éternelle guerre ?
L'Olympe pluvieux, de son front escarpé
Détachant le limon par ses eaux détrempé,
L'emporta dans les champs, et de sa cime nue
Laissa les noirs sommets se perdre dans la nue:
L'oeil s'afflige à l'aspect de ses rochers hideux.

Poursuivons, descendons de ces sauvages lieux;
Des terrains variés marquons la différence.
Voyons comment le sol, dont la simple substance,
Sur les monts primitifs où les dieux l'ont jeté,
Conserve, vierge encor, toute sa pureté,

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S'altère en descendant des montagnes aux plaines. De nuance en nuance et de veines en veines L'observateur le suit d'un regard curieux. 5

Tantôt de l'ouragan c'est le cours furieux.

Terrible il prend son vol, et dans des flots de poudre
Part, conduisant la nuit, la tempête et la foudre ;
Balaie, en se jouant, et forêt et cité;
Refoule dans son lit le fleuve épouvanté;

Jusqu'au sommet des monts lance la mer profonde,
Et tourmente en courant les airs, la terre et l'onde:
De là sous d'autres champs ces champs ensevelis,
Ces monts changeant de place, et ces fleuves de lits;
Et la terre sans fruits, sans fleurs et sans verdure,
Pleure en habits de deuil sa riante parure.

Non moins impétueux et non moins dévorans Les feux ont leur tempête et l'Etna ses torrens. La terre dans son sein, épouvantable gouffre, Nourrit de noirs amas de bitume et de soufre, Enflamme l'air et l'onde, et de ses propres flancs Sur ses fruits et ses fleurs vomit des flots bouillans: Emblème trop frappant des ardeurs turbulentes, Dans le volcan de l'ame incessamment brûlantes, Et qui, sortant soudain de l'abyme des cœurs, Dévorent de la vie et les fruits et les fleurs.

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