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» voulez de moi, laissez à mon esprit le choix >> de quelque article. Le père Castel dit qu'il ne >> peut pas se corriger, parce qu'en corrigeant >> son ouvrage, il en fait un autre; et moi, » je ne puis me corriger, parce que je chante >> toujours la même chose. »

Presque toutes les idées politiques répandues dans l'Esprit des Lois et dans les Causes de la grandeur et de la décadence des Romains, sont contenues en germe dans les Lettres Persannes; et ces lettres retracent aussi le tableau le plus vrai des mœurs et du goût des Français.

Si, dans ce dernier ouvrage, la vivacité de la jeunesse, une licence qu'on ne saurait trop condamner, l'ont engagé quelquefois à des peintures ou à des discussions trop libres, ce n'a été, de la part de l'auteur, qu'un moment d'ivresse qui passe rapidement, et après lequel la saine raison reprend son empire.

Le Temple de Gnide.

Ce petit roman est une espèce de poëme en prose, où l'auteur peint l'amour tel qu'il le suppose dans une ame neuve. On en trouve le style un peu maniéré; et on reproche à Montesquieu, d'avoir divisé ce prétendu poëme en articles de

quelques lignes, dont chacun finit par un trait, comme un madrigal.

FONTENELLE.

Bernard Le Bovier de Fontenelle naquit à Rouen le 11 février 1657, et mourut à Paris le 9 janvier 1757.

Son père était avocat; sa mère était sœur du célèbre Pierre Corneille.

Il fit ses études chez les jésuites, qui mirent en note, à côté de son nom, sur le registre du collége, Adolescens omnibus partibus absolutus, et inter discipulos princeps: Jeune homme accompli, et le premier parmi les étudiants.

Par déférence pour son père, Fontenelle, après avoir quitté les jésuites, étudia en droit ; il fut reçu avocat, plaida une cause qu'il perdit, et renonça au barreau. Il vint à Paris, où bientôt il se distingua. Ses premiers essais en littérature parurent dans les ouvrages périodiques; ils furent très accueillis, et sa reputation ne cessa d'augmenter. Il fut nommé en 1699 secrétaire perpétuel de l'académie des sciences, place qu'il occupa pendant quarante-deux ans avec la plus grande distinction; et il donna chaque année un volume de l'histoire de cette académie.

Jamais caractère n'a été plus fait pour jour

d'uncalme moins interrompu, moins exposé à être agité par les différentes passions. Ni l'ambition, ni la vanité, ni la haine, ni la jalousie, ni l'amour même, ne paraissaient avoir eula moindre prise sur lui.

On l'accusait même de manquer de sensibilité dans l'amitié. On disait qu'il faisait par raison et par principe, ce que d'autres font par le mou

vement de l'ame. On a inventé contre lui mille contes à ce sujet. Un poète a dit :

Fontenelle a prouvé qu'il aimait trop l'asperge, etc.

Le conte des asperges est destitué de toute vraisemblance. Fontenelle, dit-on, voyageait un jour avec l'un de ses amis. Arrivés à l'auberge pour souper, on commande des asperges : l'ami les voulait à l'huile, et Fontenelle à la sauce blanche. Pour accommoder les différents goûts, il fut décidé qu'on en mettrait une moitié à la sauce, et l'autre moitié à l'huile. On commence le soupé; l'ami tombe, et se trouve frappé d'un coup mortel d'apoplexie. Fontenelle, suivant cette histoire, crie aussitôt à l'hôtesse: «< Toutes les asperges à la sauce. » Si ce conte, aussi absurde que scandaleux, avait quelque apparence de vérité, on citerait le nom de cet ami, et le temps et le lieu où la scène s'est passée; ses en

nemis n'eussent pas manqué de s'informer de toutes les circonstances, et de les bien constater (1).

Le Régent avait voulu le nommer président perpétuel de l'académie des sciences; mais lorsqu'il parla de son projet à Fontenelle, il dit à ce prince: Eh! Monseigneur, pourquoi voulezvous m'empêcher de vivre avec mes égaux? et la place n'a jamais été créée.

Aucun homme-de-lettres n'a joui d'une plus grande considération, et d'une considération, plus universelle que Fontenelle ; et il la devait autant à la décence de ses mœurs, à sa modération naturelle, et à la sagesse de sa conduite, qu'à son savoir et à ses ouvrages. Dans la société, il ne chercha jamais à briller aux dépens des bienséances : il y portait de la gaîté, de la finesse et de l'esprit ; mais toujours accompagnés de douceur et de politesse; tout ce qu'il disait paraissait amené naturellement ; et quoique supérieur aux autres,

(1) Linguet est le seul homme qui ait paru croire à cette odieuse anecdote. Il va même jusqu'à citer le nom du compagnon de voyage de Fontenelle : C'était, dit-il, l'abbé Dubos, chanoine de Beauvais. Mais on sait que Linguet avait voué une haine aveugle à tout ce qui portait le nom de philosophe, et qu'il était peu scrupuleux sur les moyens de servir sa vengeance et d'attaquer ses ennemis.

sous tant de rapports, il écoutait et abordait tout le monde avec une frauchise qui ressemblait à de la bonhommie (1).

Quoique né avec un tempérament si délicat et si faible, qu'on croyait dans son enfance qu'il ne vivrait pas long-temps, il a cependant vêcu un siècle tout entier, moins quelques jours. Il dut, en grande partie, cette longue carrière à sa tranquillité d'esprit, à sa sobriété, et non pas à un régime sévère et réglé. Il disait qu'il ne savait pas se retrancher sur les plaisirs, mais qu'il écoutait toujours la nature, sans en exiger plus qu'elle ne demandait. Peu de jours avant sa mort, on l'interrogeait sur l'état de sa santé; il répondit qu'il ne sentait autre chose qu'une difficulté d'étre; mais que, s'il pouvait gagner la saison des fraises, la mort serait encore obligée d'attendre jusqu'à une autre occasion. Il expira sans douleur, sans la moindre agonie, à l'âge de quatre-vingt-dix-neuf ans, onze mois et trois

jours.

Ses ennemis d'un côté, et quelques nouveaux philosophes de l'autre, qui voulaient le placer

(1) Voyez les Mémoires sur la vie de Fontenelle, par Trublet. Voyez aussi le Parallèle de Fontenelle et de Lamotte, par d'Alembert.

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