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Montrez-nous, guerriers magnanimes,
Votre vertu dans tout son jour;
Voyons comment vos cœurs sublimes
Du sort soutiendront le retour.

Tant que sa faveur vous seconde,
Vous êtes les maîtres du monde,
Votre gloire nous éblouit;

Mais au moindre revers funeste,

Le masque tombe, l'homme reste,
Et le héros s'évanouit.

>> Ses Cantates sont des morceaux achevés: c'est un genre de poésie dont il a fait présent à notre langue, et dans lequel il n'a ni modèle ni imitateur. C'est là qu'il paraît avoir eu le plus de souplesse et de flexibilité: il sait choisir ses sujets, les diversifier et les remplir; ce sont des morceaux peu étendus, mais finis. Le récit est toujours poétique, les couplets sont toujours élégants, quelquefois même gracieux. Plusieurs de ces poésies, qu'on peut appeler galantes, sont de nature à être comparées aux vers lyriques de Quinault. Rousseau a moins de sentiment et de délicatesse; mais sa versification est bien plus soutenue et bien plus forte. La Cantate de Circé est un morceau à part; elle a toute la richesse et l'élévation de ses plus belles odes, avec plus de variété : c'est un des chefs-d'œuvre de la poésie française.....

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>> On sait combien Rousseau a excellé dans l'épigramme. Tout homme d'esprit peut en faire une bonne; mais en faire un si grand nombre sur tous les sujets, et les faire si bien, est l'ouvrage d'un talent particulier. Ce talent consiste principalement dans la tournure concise et piquante de chaque vers; car le mot de l'épigramme est souvent d'emprunt. Il en a de mauvaises; et on les trouve parmi celles qui roulent sur l'amour ou la galanterie, quoiqu'il en ait de très bonnes, même de cette espèce. Ses épigrammes satiriques ou licencieuses sont parfaites; et quoique dans ces dernières on puisse réussir à bien peu de frais, celles de Rousseau font voir qu'il y a dans les plus petites choses un degré qu'il est rare d'atteindre, ou du moins d'atteindre si souvent : car une saillie de débauche, quelque heureuse qu'elle soit, n'est pas un effort d'esprit. Nous avons des couplets sur ce ton, du temps de la Fronde dont les auteurs ne sont pas même connus; et l'on ne sait pas beaucoup de gré à Auguste de son épigrammme ordurière contre Fulvie, quoique peut-être on n'en ait jamais fait une meilleure. >>

Malgré les éloges que M. de La Harpe a donnés à Rousseau, éloges qu'il ne pouvait lui re

fuser, il est à soupçonner cependant que sa prédilection pour Voltaire, l'ennemi et le rival de Rousseau, l'a entraîné, dans son analyse des ouvrages de cet auteur, à employer toute la sévérité d'un censeur, avec le discernement d'un critique très éclairé. Je pourrais en citer quelques exemples; mais comme on trouvera peut-être cet article déjà un peu trop étendu, si vous voulez vous en convaincre, Madame, je vous prierai de lire le chapitre IX, tome VI du Cours de Littérature, intitulé : De l'Ode et de Rousseau.

MONCRIF.

François-Augustin Paradis de Moncrif naquit à Paris en 1687, et mourut en 1770. Il était membre de l'Académie française, lecteur de la reine, et secrétaire des commandements de M. le comte de Clermont, prince du sang. Ses qualités personnelles, ses manières aimables et polies, son ton plein de douceur, lui concilièrent un grand nombre d'amis. On a dit de son Essai sur la nécessité et les moyens de plaire, qu'il pratiquait ce qu'il enseignait.

Parmi ses poésies diverses, on admire particulièrement son conte du Rajeunissement inutile, plein de finesse et de grâce. Son petit roman des

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Ames rivales et très agréablement écrit. Il a fait plusieurs chansons charmantes, entre autres la Romance de la comtesse de Sault, et celle d'Alix et d'Alexis. La chanson anacréontique, sur l'air d'un menuet de Handel, Plus inconstant, etc., est de lui, et non, comme on le croyait, du régent, ni, comme on le disait aussi, du président Hénault.

Voici une chanson pastorale, qui fera juger de son talent dans cette espèce de poésie.

AIR: Triste objet des fureurs.

Contre un engagement

Je me crus affermie;

Mais Daphnis est charmant,
Et j'en fis la folie :

Dès qu'il m'eut attendrie,
L'ingrat fut inconstant;
Le bonheur de ma vie
N'a duré qu'un instant.

Plaire et sentir l'ardeur
D'un amour véritable,
A tout autre bonheur
Me semblait préférable :
Raison peu sécourable!
Eh quoi! tu peux souffrir
Qu'un bien si peu durable
Fasse tant de plaisir!

Amants, votre bonheur
N'est enfin qu'un mensonge :
Mais, quelle aimable erreur,
Lorsqu'elle se prolonge!
Ah! si je me replonge,
Amour, dans ce sommeil,

Si je fais un beau songe,
Sauve-moi du réveil..

DORAT.

Dorat, né à Paris en 1736, et mort en 1780, fut un esprit léger, un poète agréable, et ce qu'on appelait alors un petit maître dans le monde et dans la littérature. Il s'essaya dans tous les genres de poésie; il a fait des tragédies, oubliées depuis long-temps; des comédies où l'on remarque souvent un persifflage ingénieux, mais plus souvent un jargon précieux, et peu de connaissance de l'art. On joue encore quelquefois le Célibataire, le Malheureux Imaginaire et les Prôneurs. Il a composé un poëme sur la déclamation, qui contient de bons principes et des vers heureux; mais ce qu'il a fait de mieux, et ce qui convenait parfaitement à son genre d'esprit, ce sont des pièces légères, qu'il publia sous le nom de Fantaisies. Nous citerons une de ces pièces :

LE CONGÉ.

De quel poids on est soulagé

Lorsque l'on perd une maîtresse!

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