Imágenes de páginas
PDF
EPUB

La conclusion de tout ce que nous venons de dire, est que M. Marmontel fut un littérateur très distingué, mais non pas un écrivain du premier ordre.

Claire d'Albe.-Amélie de Mansfield.—Elisabeth, ou les Exiles de Sibérie.-Mathilde. Malvina.

Madame Cottin, auteur de ces cinq romans, naquit à Bordeaux en 1773, et est morte à Paris en 1807, à l'âge de trente-quatre ans. Douée d'une imagination très vive et d'une grande facilité pour rendre ses idées, elle se plaisait dans la solitude à écrire les pensées qui l'occupaient. Entraînée par cette facilité, elle écrivit ainsi trois ou quatre cents pages de suite, sans songer ni au public, ni à elle-même, et il se trouva que ces quatre cents pages formaient un roman plein d'éloquence et de sensibilité. Ce fut ainsi qu'elle fit Claire d'Albe, qui trouva beaucoup de partisans dans le monde et quelques censeurs; bientôt après, elle publia Malvina, qui n'eut pas moins de succès que son premier ouvrage; Amélie de Mansfield, remarquable par le plan et la composition; Mathilde, où l'on admire trois caractères tracés avec une grande supériorité; enfin Elisabeth, où l'on retrouve d'un bout à l'autre la vive peinture des plus tendres et des plus vertueuses

affections de l'homme. D'autres écrivains ont mieux connu que madame Cottin le monde et ses ridicules, mais personne n'est allé plus avant dans les secrets du cœur, et n'a rendu la passion avec plus de vérité. Dans les dernières années de sa vie, elle avait entrepris d'écrire un livre sur la religion chrétienne, prouvée par les sentiments; elle avait aussi commencé un roman sur l'éducation, dont elle n'avait fait que les deux premiers volumes. Une maladie cruelle la surprit au milieu de ce dernier travail, dont elle attendait, disait-elle, la seule gloire qu'une femme pût désirer. Après trois mois de souffrances, elle mourut dans les bras de l'amitié, et au milieu des consolations de la religion.

Liaisons dangereuses.

M. Chanderlos de Laclos, officier d'artillerie, homme d'esprit, et auteur de quelques jolies pièces de vers insérées dans les journaux, et de ce roman trop fameux, paraît avoir voulu renchérir sur le Versac des Egarements, de Crébillon, et sur le Lovelace de Richardson. Son héros, M. de Valmont, est beaucoup plus rafiné que le premier, et beaucoup plus atroce que le second; et ce n'est pas peu dire. Un des plus grands défauts de ces sortes de romans, c'est de donner pour les Mœurs du Siècle, ce qui n'est au fond

que l'histoire d'une vingtaine de libertins à lamode, et de femmes de mauvaises mœurs qui se croient une grande supériorité d'esprit, pour avoir érigé le libertinage en principe et fait une science de la dépravation.

Cette espèce, obligée de s'admirer beaucoup elle-même, parce qu'elle est universellement méprisée, ne se doute pas que sa prétendue science, en mettant même toute morale à part, est le comble de là sottise et de la duperie.

Des artifices grossiers, des atrocités gratuitement révoltantes, des horreurs absurdes, voilà le fond des liaisons dangereuses. Il est absurde que l'amiedeValmont,et son ancienne maîtresse,Me.de Merteuil, qui est avec lui en société de noirceurs et de perfidies, mais qui est représentée comme la femme la plus habile en méchancetés, s'amuse à écrire sur son propre compte, et sans nécessité, toutes les horreurs imaginables. Il est absurde que M. de Valmont qui, de son côté, a mis entre les mains de madame de Merteuil des secrets qui peuvent le perdre, et qui depuis long-temps n'est plus amoureux d'elle, pousse si loin la sotte fantaisie de redevenir son amant, et lui propose l'étrange alternative ou de le reprendre, ou de l'avoir pour ennemi. Il est encore plus absurde que cette femme, à qui un homme, de plus ou de moins, ne fait pas grand'chose, se brouille

avec celui de tous, qu'elle a le plus d'intérêt de ménager; mais cela était nécessaire pour le dénoùment. Valmont est tué par son ami; madame de Merteuil est deshonorée, ruinée par un procès qu'elle perd, et devient horriblement laide de la petite-vérole; et ce dénoûment, sans moralité, ne vaut pas mieux que le reste : mais je n'ai que trop parlé de ce roman; puisse-t-il ne jamais tomber entre les mains des jeunes personnes!

J'ai dit que cet auteur était connu par de jolies pièces de vers insérées dans les journaux : c'est lui qui a fait cette chanson si counue il y a trente

ans.

Lison revenait du village,

C'était le soir :

Elle crut voir sur son passage,
Il faisait noir,
Accourir le jeune Sylvandre:

Lison cut peur.

Elle ne voulut pas l'attendre,

C'est un malheur;

C'était le soir,

Il faisait noir,

Lison eut peur,

C'est un malheur. (bis.)

M. Laclos s'est fait connaître depuis par des opinions et une conduite révolutionnaire très blâmables. Il est mort à Naples en 1807.

FIN DU SECOND VOLUME.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]
« AnteriorContinuar »