>> à supporter la pauvreté et à pardonner les ou>> trages. » Je ne crois pas que la philosophie ait à se >> vanter d'avoir encore inspiré le mépris des ri>> chesses et l'oubli des injures à une nation. Je la >> défie surtout de calmer un cœur en proie à ses >> remords, et c'est ici que triomphe la religion. >> Quand un coupable, bourrelé par sa cons>>cience, ne voit que châtiments du côté de la jus>> tice, et flétrissures du côté du monde; quand » l'honneur, ajoutant encore ses tortures à son désespoir, ne lui ouvre qu'un précipice; la religion survient, embrasse le malheureux, apaise. ses angoisses et l'arrache à l'abîme. Cette récon>>ciliation de l'homme coupable avec un Dieu » miséricordieux est l'heureux point sur lequel >> se réunissent tous les cultes. >>> La philosophie n'a pas de tels pouvoirs : elle » manque à la fois et de tendresse pour l'infortuné » et de magnificence pour le pauvre. Chez elle, >> les misères de la vie sont des maux sans remède, >> et la mort est le néant. Mais la religion échange >> ces misères contre des félicités sans fin: et avec » elle le soir de la vie touche à l'aurore d'un jour » éternel. >> Ces idées sont justes et noblement exprimées: mais il faut en convenir, on ne s'attendait guère à les trouver dans le prospectus d'un Dictionnaire de la langue française. M. de Rivarol avait beaucoup de facilité pour la poésie, et de goût pour la satire; il ne s'y livra cependant qu'avec une certaine modération, et rarement. Parmi les pièces de ce genre que l'éditeur de ses œuvres nous a conservées, vous lirez avec plaisir un plaisant Dialogue entre le chou et le navet, à l'occasion du Poëme des Jardins, dans lequel M. Delille avait négligé de parler de ces deux légumes. Le navet se plaint d'avoir été oublié, et dit: Des mépris d'un ingrat le sage se console. Je vois que c'est pour plaire à ce Paris frivole Le chou répond: Qu'importent des succès par la brigue surpris? (1) M. Delille était professeur au collège de la Marche. Vous lirez encore, mais avec moins de plaisir, un Dialogue entre le 19. et le 20o. siècle, satire dirigée principalement contre Voltaire, Marmontel, La Harpe et Beaumarchais. le Voici le jugement qu'il porte de Voltaire. C'est siècle qui parle: Ige. Un génie! oh! vraiment, pour que chacun le crût, Qui mettaient dans ses mains le sceptre du génie. Ces vers ne sont ni bons, ni mauvais; mais j'ai cru devoir les remettre sous vos yeux, pour vous donner une idée de l'opinion que M. de Rivarol s'était formée de Voltaire. Voici celle qu'il avait de Mme. de G..... C'est une couleuvre qui parle, et qui répond aux éloges que cette dame avait adressés aux couleuvres, dans une pièce de vers: J'ai lu les bouts-rimés où vous bravez en paix Le goût, la langue et l'harmonie ; Ces vieux tyrans du Pinde ont péri sous vos traits : C'est la révolte du génie. Leur fatale aristocratie, Parmi tant de débris, résistait aux Français ; Mais grâce à vos heureux essais, Plus d'art, plus de talent et plus de poésie, Mais, dites-moi, pourquoi, riche comme vous l'êtes, Serait novice à vos côtés. Eh! que sont en effet tous les tours d'un reptile Et des poisons de votre style? Antique et savante sybille, En vain dans les serpents tout vous charme et vous rit: Je dois vous faire observer, madame, que c'est une satire que vous venez de lire, et que la dame qui en est l'objet avait embrassé, dans la révolution, un parti auquel M. de Rivarol avait voué une haine irréconciliable, et qu'il combattait de toutes ses forces. L'esprit de parti est rarement juste. Au commencement de l'hiver 1801, il quitta Hambourg, pour se rendre à Berlin, où il fut accueilli avec distinction par la cour et par les hommes de lettres. Il n'y jouit pas long-temps des plaisirs que cette ville lui promettait. Attaqué le 6 avril d'une fluxion de poitrine compliquée de fièvre putride, il se fit transporter à la campagne, voulut que sa chambre fût tapissée de fleurs et que ses fenêtres restassent ouvertes. Malgré les soins de M. Formiez, médecin de la reine, la maladie ne tarda pas à prendre un caractère alarmant. Il mourut le 13 du même mois, après un court délire pendant lequel il demanda plusieurs fois des figues attiques et du nectar. Il avait quarante-quatre ans. JACQUES DELILLE. J. Delille fut un enfant de l'amour. Il naquit le 21 juin 1738, près de Clermont en Auvergne, et fut reconnu sur les fonts de baptême par M. Montanier, avocat au parlement. Sa mère appartenait à la famille du chancelier de Lhôpital. Le jeune Delille fut envoyé de bonne heure à Paris, fit ses études au collége de Lizieux, alla professer les humanités à Amiens, et revint bientôt après à Paris, où il fut nommé professeur au collége de La Marche. Il travaillait alors à sa traduction des Géorgiques, dont la publication apprit aux Français qu'ils avaient un poète de plus. Voltaire en fut si frappé, que, sans connaître l'auteur, il écrivit à l'Académie pour l'engager à recevoir dans son |