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M. de Pompignan mourut dans le mois de novembre 1784, à l'âge de soixante - quinze ans, d'un coup d'apoplexie. S'il avait des faiblesses, il n'avait point de vices. Il emporta avec lui l'estime des hommes sages et vertueux, et l'amour et les regrets de tous les habitants de sa province. BERNARD.

Pierre-Joseph Bernard naquit à Grenoble en 1710, et fut élevé au collége des jésuites à Lyon. Le maréchal de Coigny le fit nommer secrétairegénéral des dragons, place qui valait mille livres sterling de revenu. En 1771, il perdit entièrement la mémoire, et mourut dans cet état en 1775.

Ses poésies légères et douces et surtout són Art d'Aimer le firent appeler le Gentil Bernard. On admire son épître à Claudine,et la chanson delaRose; mais l'opéra de Castor et Pollux, joué pour la première fois en 1737, est celui de ses ouvrages qui a fait le plus de sensation. La musique, qui est de Rameau, a été également admirée, et a fait longtemps les délices des Parisiens. La musique ayant changé de genre, par l'arrivée à Paris de Gluck et des compositeurs italiens, on cessa de donner les anciennes pièces; on les tourna même en ridicule. Cependant on a toujours vu, et l'on voit encore des personnes regretter ces mêmes pièces, et chanter de longues tirades de Lully et de Rameau avec un plaisir extrême.

On peut juger de la poésie de cet opéra par ce monologue:

Présent des Dieux, doux charme des humains,
O divine amitié, viens pénétrer nos ames!
Les cœurs éclairés de tes flammes,

Avec des plaisirs purs, n'ont que des jours sereins.

C'est dans tes nœuds charmants que tout est jouissance;
Le temps ajoute encore un lustre à ta beauté :

L'amour te laisse la constance;

Et tu serais la volupté,

Si l'homme avait son innocence.

Présent des Dieux, etc.

Chargé par Madame de la Valière de l'inviter souper, Voltaire lui écrivit:

Au nom du Pinde et de Cythère,
Gentil Bernard est averti

Que l'Art d'aimer doit, samedi,
Venir souper chez l'Art de plaire.

P. DE RIVAROL.

M. de Rivarol naquit à Bagnols en Languedoc, le 17 avril 1757, d'une famille originaire du Piémont; il était l'aîné de seize enfans, bien fait de sa personne, doué d'une figure agréable, d'une imagination brillante et d'une élocution facile et piquante. Il vint à París à l'âge de vingt ans, y mena une vie fort appliquée, quoique frivole en apparence; car il se livrait à la société pendant le

jour, et au travail pendant la nuit. Il savait beaucoup, parce qu'il avait beaucoup travaillé.

La Traduction du Dante est son premier ouvrage important; et quoiqu'il l'ait corrigée longtemps, et souvent retouchée, quoique M. de Buffon ait dit que c'était une création perpétuelle, et que la langue française y était maniée avec une haute supériorité, elle n'en est pas plus estimée des connaisseurs; et ce n'est peut-être pas la faute du traducteur.

ronné

M. de Rivarol exerça son talent d'une manière plus heureuse dans le Discours sur l'universalité de la Langue française; discours qui fut coupar l'académie de Berlin, et a obtenu les suffrages de tous les hommes de goût. L'éclat du style, la force des pensées, la justesse des observations, sont des qualités précieuses qu'on y trouve réunies, mais qu'un abus d'esprit, des figures recherchées, une certaine tournure paradoxale, y déparent trop souvent.

Quelque temps après, M. de Rivarol publia en société avec M. de Champcenetz le petit Almanach des grands hommes; satire ingénieuse, mais beaucoup trop longue, de cette multitude d'écrivains ignorés, qui se croient réellement des gens d'esprit, parce qu'ils ont publié une chanson, une épigramme, un compliment ou un distique.

Cet ouvrage révolta toute la basse littérature

contre les auteurs téméraires qui avaient osé porter la main sur l'arche sainte, et leur valut une foule de mauvaises épigrammes, dont voici un échantillon :

Ce Champcenetz, un peu bête, dit-on,
A Rivarol reprochait sa naissance;
A Champcenetz, l'autre, pour sa défense,
Fort soutenait qu'il n'était qu'un oison.
Comment juger? tous deux avaient raison.
On convint que, pour juger l'offense,
L'un serait comte et l'autre homme d'esprit.
Chez la Sottise on rédigea l'écrit,

Signé MIDAS, et plus bas l'IMPUDEnce.

La révolution étant venue, M. de Rivarol se jeta franchement dans le parti de la cour, et soutint son opinion, avec autant de constance que d'esprit, dans un journal qui portait le nom de Sabbathier de Castres; c'est là qu'il annonça les excès de la révolution avec une assurance remarquable. M. Burke écrivit à l'auteur qu'on mettrait un jour ses observations politiques à côté des annales de Tacite. Il y avait un peu d'exagération dans cet éloge; mais il est flatteur pour M. de Rivarol de l'avoir obtenu.

M. de Rivarol s'occupa, dans les derniers temps de sa vie, de ramasser les matériaux d'un nouveau Dictionnaire de la langue française; ouvrage long et pénible, ouvrage immense et peut-être au-dessus de ses forces; il n'en a publié que le discours

préliminaire, brillant d'idées et d'aperçus nouveaux, mais quelquefois fatiguant par des discussions métaphysiques étrangères à son sujet.

Quelques-unes de ces discussions ont cependant un but, et un but moral très important, dans les circonstances où l'auteur écrivait. N'oubliez pas, madame, qu'il écrivait à une époque où la révolution française menaçait de bouleverser l'ordre social, et s'étayait, dans ses entreprises, du secours de la philosophie. M. de Rivarol combat de toutes ses forces les inductions de cette philosophie meurtrière, qui n'a rien de commun avec celle de Socrate, de Fénélon, de Bacon et de Montesquieu. C'est une observation qu'il ne faut pas oublier.

Il prouve, en vingt endroits de son discours, que la religion seule peut rendre les états tranquilles et les peuples heureux.

Laissez, dit-il, l'honneur et la morale pure >> au petit nombre, et la religion et ses pratiques >> au peuple. Car si le peuple a beaucoup de re»ligion, et si les gens élevés ont beaucoup de » morale, il en résultera, pour le bonheur du » monde, que le peuple trouvera beaucoup de >> religion à la classe instruite, et que celle-ci trou» vera beaucoup de morale au peuple, et on se » respectera mutuellement.

>> Mais on objecte que la philosophie apprend

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