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Ames rivales et très agréablement écrit. Il a fait plusieurs chansons charmantes, entre autres la Romance de la comtesse de Sault, et celle d'Alix et d'Alexis. La chanson anacréontique, sur l'air d'un menuet de Handel, Plus inconstant, etc., est de lui, et non, comme on le croyait, du régent, ni, comme on le disait aussi, du président Hénault.

Voici une chanson pastorale, qui fera juger de son talent dans cette espèce de poésie.

AIR: Triste objet des fureurs.

Contre un engagement

Je me crus affermie;

Mais Daphnis est charmant,
Et j'en fis la folie :

Dès qu'il m'eut attendrie,
L'ingrat fut inconstant ;
Le bonheur de ma vie
N'a duré qu'un instant.

Plaire et sentir l'ardeur
D'un amour véritable,
A tout autre bonheur
Me semblait préférable :
Raison peu secourable!
Eh quoi! tu peux souffrir
Qu'un bien si peu durable
Fasse tant de plaisir!

Amants, votre bonheur
N'est enfin qu'un mensonge :
Mais, quelle aimable erreur,
Lorsqu'elle se prolonge!
Ah! si je me replonge,
Amour, dans ce sommeil,

Si je fais un beau songe,
Sauve-moi du réveil.

DORAT.

Dorat, né à Paris en 1736, et mort en 1780, fut un esprit léger, un poète agréable, et ce qu'on appelait alors un petit maître dans le monde et dans la littérature. Il s'essaya dans tous les genres de poésie; il a fait des tragédies, oubliées depuis long-temps; des comédies où l'on remarque souvent un persifflage ingénieux, mais plus souvent un jargon précieux, et peu de connaissance de l'art. On joue encore quelquefois le Célibataire, le Malheureux Imaginaire et les Prôneurs. Il a composé un poëme sur la déclamation, qui contient de bons principes et des vers heureux; mais ce qu'il a fait de mieux, et ce qui convenait parfaitement à son genre d'esprit, ce sont des pièces légères, qu'il publia sous le nom de Fantaisies. Nous citerons une de ces pièces :

LE CONGÉ..

De quel poids on est soulagé
Lorsque l'on perd une maîtresse!

Enfin, amis, le charme cesse,
Je suis heureux : j'ai mon congé.
Tout m'amuse et rien ne me lie.
Il en faut pourtant convenir,
Laïs est jeune, elle est jolie;
C'est pour cela que je l'oublie :
On risque à s'en ressouvenir.
Que je hais ce front où respire
L'intéressante volupté :

Cet art de tromper, de séduire,
Si semblable à la vérité;
Et sa folie et sa gaîté,

Et le charme de son sourire!
Que je dédaigne, que je hais
Cette flottaute chevelure
Qui sert de voile à ses attraits,
Ou bien qui leur sert de parure;
Ce sein, qu'Amour sait embellir,
Qui s'enfle, s'élève ou s'abaisse
Au moindre soufle du désir,
Où la rose semble fleurir
Sous la bouche qui la caresse;
Ses caprices qui sont des loix,
Ce feu dont son œil étincelle,
Et les sons touchants de sa voix
Qui jure une ardeur éternelle
A cinquante amants à la fois,
Je la déteste, je l'abhorre;
Mais c'est trop m'en entretenir,
Car à force de la haïr,

Je pourrais bien l'aimer encore.

JEAN-JACQUES LE FRANC, MARQUIS DE POMPIGNAN.

Quoique je place le nom de M. de Pompignan dans l'article des poètes, il a été encore plus estimé pour ses connaissances comme littérateur, que pour ses talents poétiques.

Il naquit à Montauban en 1709. Son père était premier président de la cour des aides de cette ville, et sa mère, fille d'un président à mortier (1) de Toulouse, nommé Caulet. Il fut élevé, ainsi que son frère, qui fut ensuite archevêque de Vienne en Dauphiné, à Paris, sous le père Porée, jésuite, professeur de rhétorique au collége de Louis-le-Grand. M. de Pompignan étant destiné pour la magistrature, fut d'abord avocatgénéral, et eut ensuite la place qu'avait occupée son père. Tant qu'il fut à la tête de sa compagnie,

(1) Les charges de président à mortier, étaient les premières du Parlement. Les présidents à mortier formaient ce qu'on appelait le grand banc, et portaient un bonnet galonné en or, d'une forme singulière, et ressemblant à un mortier. Ils mettaient le manteau ducal, sauf une légère différence à l'écusson de leurs armes. C'était donc à tort que Voltaire traitait M. de Pompignan de parvenu enorgueilli par la for

tune.

il donna, par son éloquence, le plus grand poids à ses remontrances au gouvernement. Mais rebuté de lutter avec les ministres, il se démit de sa charge. C'était un homme pieux, et dont les mœurs étaient irréprochables. Il fut le premier qui s'éleva ouvertement contre les nouveaux philosophes. Dans son discours de réception à l'Académie française, en 1760, il les représenta comme les ennemis les plus dangereux de la religion, et montra le venin répandu dans leurs écrits. (i) En rendant justice à ses intentions, l'on ne peut disconvenir que c'était non seulement une grande imprudence, mais une chose fort déplacée, de débuter à l'Académie française par attaquer les écrivains les plus distingués d'un

(1) L'opinion est assez générale que la secte philosophiste ne cherchait pas seulement à détruire l'église, mais à renverser le trône, et qu'elle conjurait depuis long-temps contre la religion et les monarques. Il n'y a nul doute sur le premier arcicle, et un fait curieux semblerait venir à l'appui du second. En 1773, l'université de Paris proposa pour sujet du prix fondé par J. B. Coignard: Non magis Deo quàm Regibus infensa est ista quæ vocatur hodiè philosophia : « La philosophie,

ou plutôt ce qu'on appelle ainsi aujourd'hui, n'est pas moins » ennemie des rois que de Dieu. » Par-là, il est évident que l'université, même en 1775, imputait aux philosophes des intentions pernicieuses contre les souverains.

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