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>> la corruption a mis au rang des bons principes >> et des bons airs....

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» Il était tout simple d'opposer au code de la méchanceté le langage du bon sens et la » morale d'un bon cœur ; mais ce contraste, su» périeurement exécuté dans le rôle d'Ariste, >> distingue la comédie du Méchant. Ce rôle est » le modèle de ceux où il faut soutenir le ton >> sérieux et moral qui est entre deux excès, la >> froideur et la déclamation. C'est là d'ordinaire >>> le double inconvénient de ces personnages que, >>> dans la comédie, on appelle des raisonneurs.

Depuis le Cléante du Tartufe, qui a si bien » différencié la véritable et la fausse dévotion, » l'Ariste du Méchant est celui qui a le mieux » fait parler la raison. Le style de la pièce, dans >>> cette partie, n'est ni moins piquant, ni moins parfait que dans les autres, et peut-être était >>> encore plus difficile; car dans un ouvrage où

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ne faut jamais perdre de vue l'agrément, >> rien n'est si voisin de l'ennui que de prêcher » la raison. Mais Gresset a su tour-à-tour l'assai» sonner ou l'animer, la rendre agréable ou in>> téressante, au point que rien ne contribua plus » à son succès que le rôle d'Ariste, surtout dans » la grande scène du quatrième acte entre Valère >> et lui, L'avantage qu'il a sur un jeune homme,

» qui ne fait que répéter les leçons de son maître » Cléon, n'était pas ce qu'il y avait de plus mal » aisé dans ce rôle; mais devant Cléon lui-même, » qui est tout brillant d'esprit, il fallait plus d'art » pour maintenir Ariste dans la supériorité qui » convient à la bonne cause, sans subordonner >> le personnage principal. C'est une loi bien >> remarquable dans le genre dramatique, que >> cette nécessité si essentielle de ne jamais abais>> ser le premier personnage, celui sur qui l'au»teur appelle principalement l'attention. Quoi >> qu'il puisse avoir de vicieux, il ne doit jamais » descendre du rang où l'ont placé les conve»nances théâtrales. Il peut, il doit être confondu » dans ses projets, puni par ses propres fautes; >> mais en général il doit être tel, qu'il n'y ait >> en lui de méprisable que le vice, dont la cen» sure est l'objet de la pièce......

» L'ouvrage de Gresset a donc un mérite pré>> cieux dans la comédie, celui d'être d'autant » plus moral, que le caractère de son Méchant >> a toute la séduction dont il est susceptible. Les >> autres caractères principaux sont aussi très » judicieusement conçus : celui de Géronte est » mêlé d'entêtement et de bonhomie; et ce >> que l'auteur appelle en lui le démon de la » propriété, est une nuance particulière qui lui a

>> fourni des traits fort comiques. Celui de Flo»rise est tel qu'il le fallait pour en faire une

dupe de Cléon, et développer devant elle la >> fertile malignité du Méchant : c'est une femme » qui n'a, comme tant d'autres, que l'esprit de >> l'amant qui la gouverne. Lisette la peint ainsi : Tour à tour je l'ai vue

Ou folle, ou de bon sens, sauvage ou répandue,
Six mois dans la morale, et six dans les romans,
Selon l'amant du jour et la couleur du temps;
Ne pensant, ne voulant, n'étant rien elle-même,
Et n'ayant d'ame enfin que par celui qu'elle aime.

>> On voit qu'elle est faible et étourdie, mais
» que le fond n'est pas gâté. L'ascendant de
>> Cléon va jusqu'à la faire rougir de la bonté
» comme d'une sorte de bêtise, mais non pas
» détruire cette bonté qui lui est naturelle; et
>> l'un et l'autre aperçu est juste et instructif:
» la force de l'exemple agit et s'arrête jusqu'où
» elle doit agir et s'arrêter, et le Méchant reste
>>> toujours seul à sa place (1). »

Il y a de Gresset une tragédie nommée Edward III, jouée en 1740, mais qui n'a plus reparu depuis au théâtre, et une comédie de Sidney, re présentée en 1747. Quoique cette comédie soit

(1) Cours de Littérature, par M. de La Harpe.

écrite avec une certaine élégance, et qu'il y ait de très beaux vers, elle n'offre rien d'intéressant; l'intrigue est faible et le roman commun.

C'est le poëme de Vert-vert qui a commencé la réputation de Gresset. « Ce poëme, dit d'A» lembert, n'eût été, entre les mains d'un autre, » qu'une plaisanterie insipide et monotone, des>> tinée à mourir dans l'enceinte du cloître qui l'a» vait enfantée; Gresset eut l'art de deviner dans »sa retraite la juste mesure de badinage qui >> pouvait rendre piquant, pour les gens du » monde, un ouvrage dont le sujet devait leur » paraître si futile. >>

D'Alembert ajoute (1), que Gresset est peutêtre le poète comique dont on sait le plus de vers, quoiqu'il n'ait fait qu'une seule bonne comédie.«<O » vous, jeunes écrivains que la nature lui a destinés » pour successeurs,..... ne souffrez pas que Tha>> lie, en pleurant sur sa tombe, soit forcée d'y » écrire ces tristes mots : Ici repose la Comédie >> avec l'auteur du Méchant. »

SÉBASTIEN-NICOLAS CHAMPFORT.

Champfort naquit en 1741, dans un village en

(1) Sa réponse au discours de réception de l'abbé Millot, 19 janvier 1778.

Auvergne. On sait qu'il était le fruit d'un amour clandestiu, et lui-même n'a jamais su quel était son père. Il fut admis, sous le nom de Nicolas, en qualité de boursier au collége des Grassins à Paris. Après avoir quitté ce collége, il travailla pour les journalistes et pour les libraires. Il donna, en 1764, son Epitre en vers d'un père à son fils, sur la naissance de son petit-fils, qui fut couronnée par l'Académie française (1). La même année il donna la comédie de la Jeune Indienne, en un acte et en vers, qui eut beaucoup de succès. Le Marchand de Smyrne, en un acte, mais en prose, joué en 1770, étincelle de saillies ingénieuses. Sa tragédie de Mustapha et Zéangir fut représentée, pour la première fois en 1776, au théâtre de la cour à Fontainebleau. Elle eut le succès le plus distingué; mais elle a beaucoup perdu de sa première renommée, et on ne la joue que très rarement. «Elle manque, disent les bons critiques, de cette cha

(1) Lorsqu'un auteur remporte le prix proposé par une académie, pour un sujet donné, qu'on doit traiter soit en vers soit en prose, on dit qu'il a été couronné, ou qu'il a obtenu la couronne, parce qu'anciennement on couronnait le vainqueur en lui mettant sur la tête une couronne de lauriers ou de fleurs. Les académies, au lieu d'une couronne de fleurs, donnèrent depuis une médaille d'or ou d'argent.

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