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Ne jouez plus, moderne auteur,
De la lyre, mais de la harpe.
Qu'est-ce qu'un poète inventeur?
Vivent les messieurs de La Harpe!

11 paraît que Piron a fait rejaillir sur La Harpe l'humeur qu'il n'a cessé de ressentir contre Voltaire, parce que La Harpe ne cessait alors d'élever Voltaire au-dessus de tous les poètes et de tous les écrivains.

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Sur lui-même.

J'achève ici-bas ma route:

C'était un vrai casse-cou.

J'y vis clair, je n'y vis goutte;
J'y fus sage, j'y fus fou.

Pas à pas j'arrive au trou
Que n'échappent fou ni sage,
Pour aller je ne sais où :

Adieu, Piron, bon voyage!

Malgré l'esprit caustique de Piron, tous ses amis lui étaient tendrement attachés. Ceux qui ont vécu avec lui, ont observé qu'à l'imagination la plus féconde en saillies, à l'esprit le plus fin, il joignait la gaîté la plus franche et l'ame la plus honnête; dans son caractère et dans sa conduite, il n'y eut jamais rien d'affecté, rien de faux, rien de contraire aux devoirs de l'honnête homme.

GRESSET.

Jean-Baptiste-Louis Gresset, naquit à Amiens, en 1709. Il se fit jésuite à l'âge de seize ans, et n'ayant pas prononcé de vœux, il sortit, ou fut renvoyé de cet ordre, dix ans après, à cause de l'éclat que fit dans le monde son poëme de VertVert. Il fut reçu membre de l'Académie française, en 1748, et mourut à Amiens en 1777.

Sa comédie intitulée le Méchant, a été jouée pour la première fois, en octobre 1747, avec le plus grand succès. Jamais Voltaire ne s'est plus trompé, ou n'a été de plus mauvaise foi que dans les vers où il critique le Méchant. Il reproche à Gresset de manquer de ce talent qu'il a précisément développé d'une manière supérieure. Voici ce qu'il dit dans le Pauvre Diable, au sujet de cette pièce :

Un vers heureux et d'un tour agréable,
Ne suffit pas il faut une action,

Des mœurs du temps un portrait véritable,
De l'intérêt, du comique, une fable.

Aucune pièce ne présente un tableau plus vrai des mœurs du temps, ni plus piquant. On a prétendu que la duchesse de Chaulnes (depuis madame de Giac), avait fourni plusieurs traits à Gresset; et cela est vraisemblable: il ne connaissait pas beaucoup le monde alors, et la conversation de madame de Chaulnes était semée de traits du genre de ceux qui ont fait le succès du Méchant (1). On a dit aussi que Gresset avait

(1) Il n'y a point de pièce dont un si grand nombre de vers soient devenus proverbes; tels sont ceux-ci :

L'esprit qu'on veut avoir gâte celui qu'on a.

en vue, dans le Méchant, une personne qui devint ensuite très célèbre, le comte de Stainville, depuis duc de Choiseul, à cause de quelques tracasseries qui arrivèrent à cette époque, qui firent du bruit, et qui lui furent attribuées. Mais il faut observer que, quoiqu'on accusât M. de Choiseul d'être un peu satirique, et d'avoir quelquefois le ton présomptueux, il fut cependant, dans la société, l'homme du monde le plus agréable. Il avait les sentiments les plus nobles et les plus généreux; il ne montra jamais dans son caractère aucune disposition à faire ce qu'on appelle des tracasseries. Enfin, on peut dire de lui qu'il n'avait rien, l'esprit à part, de commun avec le méchant de Gresset.

Je citerai ce que dit M. de La Harpe de cette comédie, qu'il a, ce me semble, analysée et jugée avec autant de goût que de talent.

((

L'esprit poétique domine plus dans la Mé

» tromanie de Piron, et le ton du monde dans » le Méchant de Gresset. Une aisance gra

L'aigle d'une maison est un sot dans une autre.
Les sots sont ici-bas pour nos menus-plaisirs.
Des protégés si bas, des protecteurs si bêtes!
Tant de petits talents où je n'ai pas de foi;
Des réputations, on ne sait pas pourquoi !

» cieuse, une précision élégante, des aperçus

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rapides, devenus plus faciles depuis que l'es>> prit de chacun peut sans peine s'augmenter de >> celui de tous, beaucoup d'idées légèrement >> effleurées, parce qu'il n'est pas du bon air de >> rien approfondir; des traits au lieu de raisons, » des riens tournés d'une façon piquante : tel » est en général le caractère de la conversation; » tel est le tour d'esprit dont on prend l'habi»tude dans des cercles nombreux où l'on se >> rassemble sans se choisir, et où l'on parle de >> tout sans s'intéresser à rien. C'est ce ton là » que Gresset a parfaitement saisi dans le rôle » du Méchant, qui est plus homme du monde >> que tous les autres personnages de la pièce. » Comme il a de l'esprit, sa conversation est le » modèle de ce persifflage qui commençait alors » à être de mode, et qui a pris depuis toutes les >> formes, suivant la portée de ceux qui l'affec>>> taient : il consiste principalement à traiter avec » légèreté les choses sérieuses. En voici un >> exemple dans la réponse de Cléon, lorsqu'A>> riste lui a dit :

Tout serait expliqué, si l'on cessait de nuire,
Si la méchanceté ne cherchait à détruire.

» Un honnête, homme se fâcherait, et demande

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