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Mais l'opéra est oublié complètement.

D'Alembert a donné un parallèle de lui et de Dufresny, qui mérite d'être lu.

PIRON.

Alexis Piron naquit à Dijon, en 1689, et mourut à Paris en 1773.

La Métromanie de Piron est regardée comme une des meilleures comédies du théâtre français. Elle est pleine de traits piquants, d'esprit et de gaîté. Cette pièce a eu l'avantage, pour l'auteur, de lui fournir les moyens de manifester son génie pour la poésie la plus élevée, dans le rôle du Métromane. Il y a des circonstances qui donnent seules à un auteur l'occasion de développer ses talents. Une aventure ridicule, produite par les vers que fit Desforges-Maillard, sous le nom d'une jeune demoiselle (1), fit naître à Piron l'idée de la Métromanie. Il en fit un chef-d'œuvre dramatique. Sans cette aven

(1) M. Desforges-Maillard, dont on a deux volumes de poésies, donnait dans le Mercure plusieurs petites pièces, sous le nom de M1le. Malcrais de la Vigue; et le lecteur les trouvait charmantes, parce qu'on les croyait l'ouvrage d'une jeune demoiselle, dont plusieurs gens de lettres étaient devenus

amoureux.

ture, Piron, réduit à ses autres ouvrages, n'était qu'un auteur médiocre.

Il y a encore de Piron deux autres comédies l'Ecole des Pères et l'Amant mystérieux, et trois tragédies, Calisthène, Fernand Cortez, et Gustave; la dernière est restée au théâtre, les autres sont oubliées.

Personne ne posséda plus que lui l'art de la conversation et l'esprit de repartie. Toujours neuf, toujours original, toujours piquant, on ne le devinait pas; et aucun n'a fourni plus de saillies, et surtout de saillies épigrammatiques. Nous en citerons quelques-unes qui le feront connaître.

Voltaire le haïssait et le craignait; et Piron n'aimait pas davantage Voltaire. Après la première représentation de Sémiramis, qui avait été assez mal accueillie, Voltaire trouvant Piron dans le foyer, lui demanda ce qu'il pensait de sa pièce: « Je pense, dit-il, que vous voudriez » bien que je l'eusse faite. » Dans une autre occasion, il accusa Piron d'avoir sifflé une de ses pièces; celui-ci lui répondit; « On ne siffle pas, >> Monsieur, quand on baille. » — - Dans le temps des disputes du jansénisme, un évêque lui demanda s'il avait lu son mandement? « Non, >>monseigneur : et vous?

Je pourrais citer un nombre d'autres saillies de Piron, du même genre, et toutes aussi piquantes, mais toutes très connues. Cette causticité, comme cela ne manque pas d'arriver lui fit beaucoup d'ennemis, et elle a peut-être été la cause principale de son exclusion de l'Académie française; honneur qu'il avait toujours ambitionné. Quoique la majorité des membres désirassent de l'admettre dans ce corps, d'autres intriguèrent si bien, que son élection ne put avoir lieu qu'en 1753. Il fut alors désigné pour remplir la place vacante par la mort de l'archevêque de Sens. Montesquieu, qui se trouvait dans ce moment directeur de l'académie, ayant reçu l'ordre de se rendre à Versailles, le roi lui dit qu'il ne voulait pas que Piron fùt reçu. A cette occasion, M. de Buffon eut la générosité de ne pas se présenter, disant qu'il ne voulait pas profiter de la disgrâce d'un homme qui avait des droits à l'académie, antérieurs aux siens; mais le roi persista. La raison qu'on employait auprès du roi, pour son exclusion, était une ode fameuse et immorale qu'il avait composée dans sa jeunesse. Montesquieu, dans une lettre à madame de Pompadour, dit:

<< J'y rendis compte des ordres du roi; et » comme M. de Buffon avait prié ses amis de ne

» le point nommer dans ces circonstances, la plupart des académiciens n'ayant pas d'autre » sujet à proposer, se trouvèrent embarrassés, » et demandèrent qu'on différât l'élection jus» qu'à samedi en huit.

>> Piron est assez puni, Madame, pour les » mauvais vers qu'on dit qu'il a faits; d'un >> autre côté, il en a fait de très bons. Il est >> aveugle, infirme, pauvre et marié. Le roi >> ne lui accorderait-il pas quelque petite pen>>sion? Le feu roi exclut également La Fontaine >> d'une place à l'académie, à cause de ses contes, >> et il la lui rendit six mois après, à cause de ses » fables : il voulut même qu'il fut reçu avant » Despréaux, qui s'était présenté depuis lui. »

Deux jours après que cette lettre fut écrite, Piron eut une pension de mille livres, et obtint ensuite d'autres grâces du roi. Mais il ne put jamais oublier son exclusion de l'académie; il s'en prenait à tous ses membres indistinctement, Il fit pour lui-même cette épitaphe:

Ci-gît Piron, qui ne fut rien,

Pas même académicien.

Piron avait tort de s'en prendre à l'académie : c'était le roi seul qui l'en avait exclu. Il continua cependant de débiter contre les académi

ciens mille plaisanteries, soit en vers, soit en prose: «Ils sont là quarante, qui ont de l'esprit «< comme quatre, disait - il. » Il les appelait les Invalides du bel-esprit, 'et le lieu de leurs séances l'Hôpital.

Piron a excellé dans les épigrammes. J'en citerai quelques-unes.

Sur la réception de M. de La Condamine à l'Académie française.

La Condamine est aujourd'hui
Reçu dans la troupe immortelle.

Il est bien sourd: taut mieux pour lui;
Mais non muet: tant pis pour elle.

Sur M. de La Harpe.

Clément, laisse aboyer La Harpe:
Qu'il se jacte, et déprime autrui ;
Qu'il taille, tranche, coupe, écharpe,
C'est à lui scul qu'il aura nui.
Les lecteurs, excédés d'ennui,
Le méprisent autant qu'il s'aime :
Que peut-on faire, contre lui,
De pis que ce qu'il fait lui-même?

TRIOLET.

Qu'est-ce qu'un poète inventeur?
Vivent les messieurs de La Harpe!
L'esprit de Voltaire est le leur :
Qu'est-ce qu'un poète inventeur?

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