REGNAR D. Jean-François Regnard naquit à Paris en 1647. Sa passion pour les voyages le porta à visiter une grande partie de l'Europe. Etant en Italie, il fit la connaissance, à Bologne, d'une dame provençale, qu'il nomme Elvire, et pour laquelle il conçut la passion la plus vive. Comme elle était sur le point de revenir en France, il s'embarqua avec elle à Gênes, sur un vaisseau que prirent les Algériens, et tout l'équipage fut conduit à Ager pour y être vendu. Il fut acheté par un nommé Achmet Talem. Il était très bel homme; et Achmet l'ayant soupçonné d'intelligence avec une de ses favorites, le dénonça pour être puni selon la loi, qui condamne à la peine de mort tout chrétien qui a séduit une mahométane. Le consul de France le sauva, en offrant une forte rançon. Regnard ayant reçu de sa famille des fonds assez considérables, il racheta la provençale, et revint avec elle à Paris. Là, ils apprirent la nouvelle de la mort du mari de cette dame, nommé de Prade. Regnard lui proposa de l'épouser; elle y consentit. Mais tandis qu'ils se disposaient à s'unir, M. de Prade arriva. Regnard, au désespoir de ce nouveau coup du sort, prit la résolution de se dérober d'un lieu où il trouvait à chaque instant quelque aliment à ses chagrins. En 1681, il partit une seconde fois de Paris pour visiter la Flandre et la Hollande, d'où il passa en Danemarck et ensuite en Suède. Le roi de Suède lui ayant conseillé de voir la Laponie, il partit de Stockhom avec deux autres Français, nommés Fercourt et Corberon. Arrivés à Tornéo, ils remontèrent le fleuve ou lac de ce nom, jusqu'à une montagne nommée Métavara, du sommet de laquelle ils découvrirent la mer Glaciale. Là, ils gravèrent sur le rocher l'inscription suivante : Gallia nos genuit, vidit nos Africa, Gangem Anno 1681, die 22 augusti. « Ce fut là, dit Regnard, que nous plantâmes notre inscription, mais qui ne sera, comme je crois, jamais lue que des ours. >> M. de La Harpe a traduit cette inscription ainsi : Nés Français, éprouvés par cent périls divers, L'Europe parcourir ses climats et ses mers. Voici le terme de nos courses, Et nous nous arrêtons où finit l'univers. procurer. Regnard parcourut ensuite la Pologne, la Hongrie et l'Allemagne; mais enfin il songea à jouir du repos et des agréments que sa fortune et ses talents pouvaient lui Il revint dans sa patrie, acheta une charge de trésorier de France, et fit l'acquisition d'une terre nommée Grillon, à onze lieues de Paris, où il passait, avec quelques amis, toute la belle saison. C'est là qu'il écrivit ses voyages, et la plupart de ses pièces de théâtre. La petite historiette intitulée la Provençale, contient quelques-unes de ses aventures. Il mourut à sa terre de Grillon, en 1710. On prétendit qu'il avait avancé ses jours; mais il savait lui-même qu'il mourait des suites d'une indigestion. Qui ne se plaît point aux comédies de Re» gnard, dit Voltaire, n'est point digne d'admi»rer Molière. >> la mo Il excelle dans le comique noble, ainsi que dans le familier; mais, dans ses ouvrages, rale est quelquefois blessée. Ses meilleures pièces sont le Légataire (1), le Joueur, les Folies amoureuses, les Ménechle Distrait, et le Retour imprévu. mes, La petite comédie Attendez-moi sous l'orme, (1) Le lieutenant de police disait que le dernier acte de cette pièce devrait être représenté à la Grève. qu'on trouve dans les œuvres de Regnard, est attribuée par quelques critiques à Dufresny. Quelqu'un ayant observé à Boileau que Regnard n'était qu'un auteur médiocre : Iln'est pas au moins, répondit-il, médiocrement gai. Il était beau dans Boileau de lui rendre cette justice, sachant qu'il avait écrit contre lui une satire amère, intitulée : Le Tombeau de Boileau Despréaux. Regnard a fait, dans la suite, amende honorable de cette satire, dans une épître dédicatoire des Ménechmes, qui est très belle. Favori des Neuf Sœurs, qui, sur le mont Parnasse, Qui peut mieux, en effet, dans le siècle où nous sommes, Aux règles du bon goût assujettir les hommes? Mais qui peut, comme toi, prendre un si noble essor, Que d'auteurs, en suivant Despréaux et Pindare, De tous ces beaux lauriers qu'ils ont cherchés en vain, Regnard, plus plaisant que comique, mais » assez comique pourtant pour être, dans ce » genre, le premier poète d'une nation qui n'au»rait pas eu Molière, a laissé plusieurs pièces >> qui contribueront toujours à la gloire du théâ>> tre français. Son style vif, facile, ingénieux, et >> le piquant de son dialogue, ajoutent à ses res» sources théâtrales; et quand sa verve ou la si>>tuation comique est prête à l'abandonner, il » est secouru par un mot heureux, par une pi» quante saillie. Enfin, si avec la connaissance de >> l'art dramatique, on lisait le théâtre de Regnard » avant de connaître l'auteur du Tartufe, on se |