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» eût

pas

là quelques traits de cette vérité que » tous les hommes doivent sentir :

Embrassez, mes enfants, ces genoux paternels.
D'un œil compatissant regardez l'un et l'autre ;
N'y voyez point mon sang, n'y voyez que le vôtre.
Pourriez-vous refuser à leurs pleurs, à leurs cris,
La grâce d'un héros, leur père et votre fils?
Puisque la loi trahie exige une victime,

Mon sang est prêt, seigneur, pour expier mon crime.
Epuisez sur moi seule un sévère courroux;

Mais cachez quelque temps mon sort à mon époux :
Il mourrait de douleur.

>> Ce dernier sentiment est d'une délicatesse ex» quise. Cet autre vers que prononce Inès dans >> les douleurs du poison, et que tous les cœurs » ont répété :

Eloignez mes enfants, ils irritent mes peines,

» est d'une vérité déchirante: il est difficile que le >> cœur d'une mère ait un sentiment plus doulou

>> reux. >>

De six comédies qu'on trouve dans ses ouvrages, celle du Magnifique seule, dont le sujet est tiré d'un conte de La Fontaine, est restée au théâtre, et a toujours soutenu sa première réputation.

Quelques unes de ses odes morales sont vraiment philosophiques, et pleines de pensées pro

fondes. Ses odes galantes sont fort agréables; la nature s'y montre avec toutes les finesses de l'art. On a observé que, dans ses églogues, ses bergers sont un peu trop ingénieux, mais que les délices et l'innocence de la vie champêtre y sont peintes avec beaucoup de vérité et d'agrément.

Ses fables ne pouvaient pas réussir, après celles de l'inimitable La Fontaine. En les comparant, on disait: «< On sent que La Fontaine écrit dans » son propre caractère; La Motte veut être naïf » comme lui, et il ne réussit pas. >> Voici comme J.-B. Rousseau, en faisant semblant de blâmer La Fontaine, loue ironiquement les fables de La Motte:

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Dans les fables de La Fontaine,

Tout est naïf, simple et sans fard;
On n'y sent ni travail ni peine,
Et le facile en fait tout l'art;

En un mot, dans ce froid ouvrage,
Dépourvu d'esprit et de sel,
Chaque animal tient un langage
Trop conforme à son naturel.

Dans La Motte-Houdart, au contraire,

Quadrupède, insecte, poisson,

Tout prend un noble caractère
Et s'exprime du même ton.

Enfin, par son sublime organe,

Les animaux parlent si bien,

Que dans Houdart souvent un âne

Est un académicien.

JEAN-BAPTISTE ROUSSEAU.

Rousseau est universellement considéré comme l'un des premiers poètes français; il y en a peu qui lui soient égaux, et aucun, je crois, ne l'a surpassé dans l'ode. « Ce grand poète est presque » également célèbre par son génie et par ses mal>>heurs: ses talents élèvent l'ame; l'histoire de sa >> vie attriste l'imagination : elle laisse une alter» native cruelle aux ames sensibles, en offrant le >> spectacle de l'innocence opprimée par l'impos»ture, ou du génie souillé par le vice (1). » Cependant, il me semble que toutes les preuves morales concourent à l'acquitter ; et nous ne finissons jamais de lire l'histoire de sa vie, qu'en partageant ses peines, et en regardant avec horreur la cruauté de ses ennemis, ainsi que l'arrêt qui l'a banni pour jamais de sa patrie.

Il était fils d'un cordonnier de Paris, où il naquit en 1671. Son père lui procura une excellente éducation. A l'âge de vingt ans, il s'était déjà distingué par des pièces de vers, et il était recherché par des personnes du premier rang. Le maré

(1) Annales poétiques.

chal de Tallard le prit pour secrétaire, lorsqu'en 1697 il fut envoyé comme ambassadeur à Londres. De retour à Paris, il refusa un emploi dans les finances, qui lui fut offert (1). Admiré par ses talents et au-dessus du besoin, il semblait jouir d'un sort heureux, quand un orage terrible vint éclater sur sa tête. Le café de Laurent était devenu le rendez-vous des beauxesprits; c'est là que se rassemblaient Rousseau, La Motte, Fontenelle, Crébillon, Saurin, etc. L'opéra d'Hésione ayant paru, Rousseau fit, sur l'un des airs, des couplets satiriques contre les auteurs de cette pièce. Ces couplets en firent naître d'autres, pleins de calomnies. Les expressions les plus énergiques s'y joignaient aux mots les plus obscènes; mais presque tous sont animés de tout le feu de la poésie. On attribua ces couplets à Rousseau; on prétendait y reconnaître son style; et il avait rendu cette accusation en quelque sorte vraisemblable, en avouant franchement les premiers. Cependant il désavoua ceux-ci formellement. A la suite des brouilleries et des contestations que cette circonstance avait produites, il accusa Saurin (1), et sou

(1) Voyez l'épître de l'abbé de Chaulieu, à cette occasion, et la réponse de Rousseau.

(2) Joseph Saurin, géomètre distingué, fut un ministre pro

tint qu'il était l'auteur des couplets. Saurin lui intenta un procès, et le dénonça dans le cours de la procédure comme suborneur de témoins. Saurin avait beaucoup de protecteurs; Rousseau s'était créé beaucoup d'ennemis, et il avait aussi contre lui beaucoup de gens de lettres envieux de sa gloire. Le parlement trouva le crime de subornation suffisamment constaté, et condamna Rousseau à un bannissement perpétuel. Il se retira en Suisse auprès du comte Du Luc, et suivit ce ministre à Bade, lorsqu'il fut nommé plénipotentiaire pour la paix qui fut conclue entre la France et l'Empereur. Quelqu'un ayant dit un jour au prince Eugène qu'il venait de chez M. Du Luc où Rousseau avait récité de très beaux vers: « Quoi, dit » le prince, Rousseau est ici! Il m'a donné l'oc» casion de faire des réflexions bien justes. Ce fut >> quelques jours après la malheureuse affaire de >> Denain, que je lus son ode à la Fortune; et j'y trouvai mon portrait au naturel dans cette >> strophe:

Montrez-nous, guerriers magnanimes, etc.

Le prince Eugène l'emmena à Vienne; mais

estant, il changea de religion, et fut accusé par les calvinistes de n'en avoir aucune.

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