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» ment dans les bonnes pièces de Corneille, et >> ils disparaissent sous le grand nombre de >> beautés franches, hardies et sublimes. Dans ses » dernières pièces, lorsque le feu de la jeunesse » se fut éteint, les beautés diminuèrent, et les » fautes devinrent plus fréquentes. (1) »

RACINE.

Jean Racine naquit à la Ferté-Milon en 1639, d'une famille noble, et fut élevé à Port-Royaldes-Champs. Il eut sur Corneille l'avantage de vivre à la cour et dans le grand monde. Il fut nommé gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, qui, pendant ses maladies, le faisait coucher auprés de lui; et comme il aimait à s'entretenir avec Racine, et à l'entendre réciter, il était quelquefois admis chez madame de Maintenon, quand le roi s'y trouvait. Mais il perdit sa faveur; et ce malheur inopiné fit une telle impression sur un cœur trop sensible, qu'il ne put le soutenir. Des maladies, produites par le chagrin, le conduisirent au tombeau, le 22 avril 1699, à l'âge de cinquante-neuf ans.

On raconte différemment la cause de sa dis

(1) Essai qui précède la Grammaire de Port-Royal, nou velle édition.

grâce. Quelques-uns prétendent que madame de Maintenon, touchée de la misère du peuple, demanda à Racine un mémoire sur ce sujet, qu'elle donna au roi; que Louis XIV, peu content de voir que son historien s'occupât des défauts de son administration, défendit à madame de Maintenon de le revoir, en lui disant : Parce qu'il fait bien des vers, croit-il pouvoir être ministre?

Racine est le plus pur, le plus élégant, le plus harmonieux, le plus tendre, le plus éloquent des poètes français; un littérateur français a observé qu'en lisant ses vers on croit sentir qu'il eût été Virgile, sous le règne d'Auguste, comme, en lisant ceux de Virgile, on est persuadé qu'il eût été Racine sous le règne de Louis XIV. Le choix heureux de leurs expressions, la continuité de leur élégance, et leur délicieuse harmonie, sont cause de l'égale difficulté qu'on éprouve à les bien traduire. Nous reconnaissons cette difficulté à l'égard de Racine, et tout le monde la reconnaît à l'égard du poète latin. (Voyez, ci-après, ce que dit M. de La Harpe à ce sujet.)

<< Il semble, dit Vauvenargues, qu'on ne con>> vienne de l'art de Racine, que pour donner à >> Corneille l'avantage du génie. Qu'on emploie » cette distinction pour marquer le caractère d'un » faiseur de phrases, je la trouverai raisonnable;

>> mais lorsqu'on parle de l'art de Racine, l'art qui met toutes les choses à leur place; qui ca>>ractérise les hommes, leurs passions, leurs » mœurs, leur génie; qui chasse les obscurités, >> les superfluités, les faux brillants; qui peint la »> nature avec feu, avec sublimité et avec grâce, » que peut-on penser d'un tel art, si ce n'est » qu'il est le génie des hommes extraordinaires, >>> et l'original même de ces règles que les écri>> vains sans génie embrassent avec tant de zèle >> et si peu de succès?....

Qui créa jamais une langue ou plus magnifi» que, ou plus simple, ou plus variée, ou plus »> noble, ou plus harmonieuse, ou plus tou>> chante?... Nul n'éleva si haut la parole, et n'y >>>versa tant de douceur; nul ne mit jamais autant » de vérité dans ses dialogues, dans ses images, » dans ses caractères, dans l'expression des pas» sions. Serait-il trop hardi de dire, que c'est le plus beau génie qu'ait eu la France?.... »

Ce jugement de Vauvenargues a été corfirmé par celui de tous les hommes de goût qui sont venus après lui; mais je suis obligé de dire qu'il est souvent combattu par les hommes qui ont reçu de la nature un caractère âpre et sauvage. Il y en a qui ont accusé Racine d'être trop courtisan, et même d'avoir été flatteur; mais si c'est

II.

ΤΟ

pour avoir, en de certaines occasions, employé sa muse à offrir à son souverain, à son bienfaiteur l'expression de son admiration, on doit faire les mêmes reproches à Boileau et à tous les autres poètes de son temps. Au lieu d'un tort, c'est c'est presque un devoir de louer les belles qualités d'un roi; car, par des éloges sagement décernés, on peut inspirer à d'autres princes le désir d'en obtenir, et d'en mériter de semblables. Le règne de Louis XIV a eu la plus heureuse influence, non seulement sur la France, mais à beaucoup d'égards, sur l'Europe entière. L'urbanité et la bienveillance du monarque, répandues dans toutes les classes de la société, passèrent jusque dans ses armées, et y furent pratiquées même envers les ennemis qu'elles combattaient. Tout ce qui émanait de lui, avait un air de grandeur et de magnificence. La France, tant que son histoire sera conservée, ne pourra oublier ses bienfaits. Outre une extension considérable de son territoire, elle lui doit ses places fortes, ses meilleurs ports de mer, la formation de sa marine, ses colonies, la naissance de plusieurs branches de commeree, l'augmentation et l'amélioration de quelques autres.

Jamais souverain n'a donné plus d'encouragement aux lettres, aux sciences et aux arts; c'est

sous son règne qu'on voit porter l'art de la guerre à un degré de pèrfection inconnu jusqu'alors, et qu'on ne cesse d'admirer. On y voit de grands capitaines, déployant contre des capitaines non moins célèbres, toutes les ressources que peut fournir l'art joint au génie le plus étendu. Qu'on lise les campagnes du grand Condé, de Turenne, de Créqui (celles de 1677 et 1678), de Luxembourg, de Catinat, de Villars, de Berwick, contre Montecuculli, Mercy, le prince d'Orange, Marlborough, Eugène. Folard (1), en parlant de la campagne de 1675, dit : « Celle» ci fut le chef-d'œuvre du vicomte de Turenne >> et du comte de Montecuculli; il n'y en a point » de si belle dans l'antiquité; il n'y a que les >> experts dans le métier qui puissent en bien juger. » Partout la subsistance et les besoins du soldat étaient assurés ; et, si on en excepte la dévastation du Palatinat (2), partout les habitants étaient protégés, et quelquefois enrichis

(1) Le chevalier Charles de Folard, né à Avignon, en 1669, y mourut en 1752. Dès l'enfance il montra des inclinations militaires, s'engagea à l'âge de 16 ans, et devint l'un des plus habiles tacticiens. Il est auteur de plusieurs ouvrages des plus estimés, sur l'art de la guerre.

(2) En représailles de cruautés exercées sur des soldats fran

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