trop souvent au fracas de notre littérature. Voltaire faisoit, il est vrai, plus de bruit que lui; il étoit plus craint et plus recherché, comme étant la voix de l'opinion de chaque jour; mais Buffon étoit beaucoup plus respecté, parce que cette même opinion n'avoit jamais troublé sa gloire, ni n'avoit jamais séparé sa personne de ses talens. >> Sa figure, sa taille, sa démarche, sa vieillesse, dont il n'avoit guère que les cheveux blancs, tout en lui étoit noble et imposant au premier aspect, et faisoit aimer la simplicité de son langage et de sa conversation, qui, sans cela peut-être, auroient paru au-dessous de son nom. Il laissa une grande fortune que devoit recueillir un fils rempli de qualités aimables..... Il en jouissoit à peine..... Je l'ai connu, j'ai été avec lui dans les fers, et j'avois vu son père dans sa gloire. Le père a échappé à la révolution; il étoit mort..... La révolution a dévoré le fils, le tombeau, la statue et l'héritage de Buffon. Deus, quis novit potestatem iræ tuæ? » POÈTES. PIERRE RONSARD. JE ne parlerai point des ouvrages des poètes qui ont précédé Ronsard; ils ne peuvent guère ni amuser ni intéresser un étranger : je ne parle même de celui-ci qu'à cause de la haute considération dont il jouissoit, et dans le public et chez quelques grands personnages de son temps, et non pour son véritable mérite comme poète. Il étoit né, en 1524, d'une famille noble, dans le Vendômois. Son père, Louis de Ronsard, étoit maître-d'hôtel du roi François Ier. Pierre vint à Paris très-jeune, fit ses premières études au collége de Navarre, entra à la cour à l'âge de douze ans, comme page du dauphin fils de François Ier., et, après la mort du dauphin, resta au service de son frère le duc d'Orléans. Ce prince le donna comme page à Jacques V, roi d'Écosse, marié en premières noces à Magdeleine de France, fille aînée de François Ier. (*), et en secondes (*) Voici des vers enyoyés par Clément Marot au roi noces à Marie de Lorraine, fille de Claude, duc de Guise. Jacques V étoit un prince trèsaccompli pour le temps où il vécut. Il avoit du goût pour la poésie; plusieurs anciennes chansons écossoises sont de lui, et ses talens lui acquirent une réputation chez l'étranger. C'est de lui que l'Arioste veut parler dans ces vers: Zerbino di belezza, è di valore, Sopra tutti signori era eminenti, etc. d'Écosse, le 1er. janvier 1555, jour de son mariage avec la princesse Magdeleine : Viens, prince, viens; la fille au roi de France Pour toi s'est mise en royale ordonnance; Au temple va, grand'noblesse la suit : Maint diamant sur la teste reluit De la brunette; et ainsi attournée, Son teint pour vrai semble une claire nuit, 1 Brunette elle est; mais pourtant elle est belle, Mais, s'il te plaist, demain tu nous diras Ou de la nuit la grande breveté. Et Et dans la stance suivante : Pero che data fine a la gran festa, Ronsard a dit : Ce roi d'Ecosse étoit en la fleur de ses ans, Si Ronsard ayant accompagné le roi Jacques en Écosse, y resta deux ans, et ensuite six mois en Angleterre. De retour en France, il cultiva les belles-lettres avec ardeur et avec succès; mais il avoit une singulière et vicieuse affectation de mettre par-tout de l'érudition, et à former des mots tirés du grec et du latin. Boileau, dans l'Art Poétique, en parlant des premiers poètes français, dit: Marot, bientôt après, fit fleurir les ballades, Et montra pour rimer des chemins tout nouveaux; I. ૨૧ Ronsard, qui le suivit, par une autre méthode, Mais jamais poète n'a été plus idolâtré que Ronsard dans son temps. On l'appelloit le Prince des Poètes. Le premier prix des jeux floraux (*) lui ayant été décerné, et la récompense étant regardée comme au-dessous de (*) Clémence Isaure, demoiselle de Toulouse, célèbre par son esprit et par sa vertu, a vécu vers la fin du quatorzième siècle, ou au commencement du quinzième. Elle institua les jeux floraux, qu'on célèbre tous les ans à Toulouse, dans le mois de mai. On y fait son éloge, et on y couronne de fleurs la statue de marbre de Clémence, qui est dans la maison-de-ville. Elle laissa un fonds, pour le prix qu'on donne à ceux qui ont le mieux réussi en chaque genre de poésie qu'on leur propose. Les prix sont une violette d'or, une ancolie, que ceux de Toulouse nomment églantine, qui est d'argent, et un souci, ou, comme ils nomment cette fleur, un gauchet, de même métal. Ce sont les capitouls ou échevins de Toulouse, qui distribuent les prix. Il y avoit encore plus anciennement à Toulouse, une académie de dames qui jugeoit les ouvrages poétiques. |