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1. Dans l'antiquité, il s'est trouvé quelques nations qui, à l'apogée de leur puissance, revendiquèrent un droit exclusif à la navigation de certaines mers. Cependant le droit romain range en principe la mer parmi les choses qui, en vertu du droit naturel, sont communes à tous '. L'idée d'un droit de haut domaine ou de propriété sur la mer se rencontre d'abord au moyen âge, lorsqu'on attribuait à l'empereur romain, comme au maitre du monde, la domination sur l'Océan tout entier. Le droit des gens moderne proclame en règle générale la liberté absolue de la mer. On a vu surgir toutefois, encore à des époques récentes, des prétentions, isolées à la vérité, qui n'étaient point en harmonie avec ce principe. Pour comprendre combien elles sont peu fondées, il est utile de jeter un coup d'œil rapide sur les périodes de l'histoire durant lesquelles on a revendiqué, à différentes reprises, des droits de souveraineté sur certaines parties de la mer.

'Notamment L. 2, 3 1. D. de div. rer. Et quidem naturale jure omnium communia sunt illa: aër, aqua profluens et mare, et per hoc litora maris.

II. Au commencement de l'ère des grandes découvertes opérées par la voie de la mer, l'intervention de la cour romaine exerça une profonde influence. Une bulle du pape Alexandre VI, donnée en 1493, conféra aux couronnes unies de Castille et d'Aragon la souveraineté de tous les territoires et iles nouvellement découverts par Christophe Colomb; et une autre bulle de la même année attribua aux mêmes couronnes toutes les régions et les îles nouvellement découvertes, ou à découvrir dans l'avenir, à l'ouest d'un méridien passant par les îles du Cap-Vert, tandis que les terres situées à l'est de ce méridien étaient attribuées à la couronne de Lusitanie (Portugal). Pendant longtemps les deux royaumes ont fondé sur ce partage leurs prétentions exclusives à découvrir et à acquérir des contrées et des mers; le Portugal particulièrement, a prétendu en déduire le monopole du commerce sur les côtes d'Afrique et des Indes orientales'.

II. Les prétentions des états ibériques n'empêchèrent point d'autres nations de réclamer à leur tour la souveraineté de certaines mers, de faire des découvertes, d'en prendre possession, et même d'obtenir une reconnaissance internationale de ces prétendus droits, arrachée souvent, il est vrai, par la force 2.

Il faut citer surtout les états de la Méditerranée, la Hollande, les puissances scandinaves et l'Angleterre. Il en résulta natuturellement des querelles, des conflits et des guerres. Sur un seul point, il y avait entente unanime: c'est dans l'oubli com

aër.

L. 3, 8 7. D. de injuriis»: Et quidem mare commune omnium est et litora sicuti Certaines parties de la mer pouvaient seules, au moyen de limites matérielles, devenir l'objet de la propriété privée pendant la durée de leur possession. Voir de plus amples détails dans Cauchy, I, p. 175 et suiv.

Les bulles pontificales donnaient le titre juridique pour les découvertes; quant au mode d'acquisition, il ne causait guère de difficultés. Ainsi Bilbao parcourut en 1615 l'isthme de Panama, découvrit la mer du Sud, et il proclama la prise de possession au nom de la couronne d'Espagne, en entrant jusqu'aux genoux dans les flots, tenant d'une main une épée; et de l'autre un drapeau avec l'image de la Sainte-Vierge.

2 Azuni, I, p. 22 et suiv., donne, entre autres, les dates avec des détails historiques. Voir aussi Nau, 28 87 et suiv., où l'on trouve la littérature du sujet.

plet des droits des peuples habitant les territoires nouvellement découverts.

a) Les états de la Méditerranée.

La Turquie s'arrogea la souveraineté de toutes les mers baignant ses possessions, en particulier de la mer Noire (voir aussi § 5, vi). Gènes prétendit à la domination de la mer de Ligurie; Venise, à celle de l'Adriatique en s'engageant à protéger le commerce maritime contre les Sarrasins et contre les pirates.

b) Les puissances scandinaves.

Déjà en 1432, Eric, roi de Danemark et de Norwège, déclara au roi d'Angleterre que jamais il n'avait été permis à personne de faire le commerce ou la pêche dans les mers norwégiennes, sans une autorisation spéciale du Roi. Dans la suite, ce privilège fut accordé aux sujets anglais par plusieurs traités, qui furent tantôt observés, tantôt proclamés de nul effet. Il s'agissait du territoire maritime qui environne l'Islande et de la pêche de la baleine, qui était très fructueuse. De nombreux traités prou vent que, dans le cours du xvII° siècle, on reconnaissait encore la domination des rois de Danemark sur la mer qui entoure l'Islande et le Groënland.

c) L'Angleterre.

Depuis le règne du roi Edgard (959-975), les maîtres de l'Angleterre avaient coutume de revendiquer la souveraineté de toutes les mers qui environnent le pays, au sens le plus large, mare anglicanum circumquaque ». S'il arriva un jour. à la reine Élisabeth de dire que l'usage de la mer et de l'air était commun à tous et qu'aucune nation, aucun particulier ne pouvait exercer de droit sur l'Océan, parce que la nature ni l'usage ne permettaient d'en prendre possession, ce fut là une

Schanz, Politique commerciale de l'Angleterre, t. 1, p. 354.

affirmation isolée, qui trouvait sa raison d'être dans la politique commerciale de l'époque. En ce qui concerne la politique que suivit plus tard la couronne d'Angleterre, voir cidessous n° IV.

IV. La question de la souveraineté de la mer devint l'objet de débats scientifiques au commencement du xvII° siècle, pour la première fois en 1609, lorsque parut l'écrit de circonstance du Hollandais Hugo de Groot (Grotius), intitulé: Mare liberum, seu de jure quod Batavis competit ad indica commercia1. Cet Ouvrage avait pour but de prouver le droit des Hollandais à commercer contre les prétentions des Portugais, fondées sur les bulles pontificales de 14932. Les arguments de Grotius ouvrirent la voie au principe de la liberté de la mer. Le célèbre auteur, qui le premier, par son ouvrage De jure belli ac pacis, a élevé le droit des gens au.rang d'une science, refusait absolument de reconnaître une souveraineté quelconque sur la pleine mer 3.

L'œuvre de Grotius souleva de vives contradictions chez les nations qui revendiquaient des droits contraires au principe qu'elle proclamait. Non qu'elle manquât d'arguments sérieux, mais parce que ses adversaires étaient convaincus, avec pleine raison d'ailleurs, que l'application des idées de Grotius mettrait fin à leurs prétentions exclusives, et bouleverserait les rapports maritimes à leur détriment. Charles Ier, roi d'Angleterre, réclama du gouvernement hollandais le châtiment de Grotius, et écrivit à son ambassadeur à La Haye « First we hold it a principle not to be denied, that the King of Great Britain is « a monarch at land and sea to the full extent of his dominions << and that it concerneth him as much to maintain his soverei

«

:

L'écrit parut d'abord à Utrecht sous l'anonyme; la seconde édition, en 1616, porte le nom de l'auteur.

2 Grotius dit sur ce point : « Donatio nullum habet momentum in rebus extra commercium positis. Quare cum mare aut jus in eo navigandi proprium nulli dominium esse possit, sequitur neque dari a Pontifice, nequi a Lusitanis accipi potuisse. Præterea cum supra relatum sit ex omnium sani judicii hominum sententia Papam non esse dominum totius orbis ne maris quidem. »

3 Voir Nau, 69, pour la littérature du sujet.

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