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Les missions de la Haute Californie furent entreprises après l'expulsion des Jésuites, non par la Compagnie de Jésus, par le Saint-Siège ou une autre autorité ecclésiastique quelconque, mais sur les dispositions du Vice-Roi de la nouvelle Espagne approuvées par le Roi en

1769 et 1762.

Les missions de la Haute Californie étant des entreprises nationales furent naturellement abandonnées par le Gouvernement Mexicain au moment de l'acquisition de cette contrée par les Etats-Unis. Cet abandon fut imposé par le changement d'autorité et de juridiction sur le territoire aliéné aux Etats-Unis, et il était en outre une dérivation de la faculté privative que le Gouvernement Mexicain avait héritée du Gouvernement Espagnol, de supprimer des missions et d'en fonder de nouvelles pour le conversion des infidèles dans ses domaines.

Non seulement les missions de la Haute Californie prirent fin depuis le 7 juillet 1846 comme entreprises nationales à la charge du Gouvernement Mexicain, mais l'Eglise catholique elle-même cessa d'exister comme entité légale, puisque son rétablissement comme corporation n'eut lieu que le 22 avril 1850, en vertu du statut de cette date de l'Etat de Californie.

Enfin, il faut tenir compte qu'il n'existe pas dans la Haute Californie de tribus d'Indiens sauvages dont la soumission au pouvoir séculier de la Nouvelle Espagne et la conversion à la foi catholique fussent le but principal ou l'objet direct des missions des Jésuites dotées des biens du Fonds Pie des Californies.

V.

Les réclamants ne prouvèrent jamais qu'une loi ou une disposition fût expédiée par une autorité légitime, imposant des restrictions à cette faculté. En l'exerçant, le Gouvernement Mexicain ordonna par le décret du 15 septembre 1836 que l'administration du Fonds fût confiée à l'Evêque de Californie et à ses successeurs en qualité d'employés dudit Gouvernement. Le décret du 18 fevrier 1842 retira cette commission à l'Evêque et à ses successeurs. Le décret du 24 octobre 1842 ordonna la vente des biens qui formaient le Fonds et leur capitalisation à census consignativus sur le Trésor National; et deux ans et demi plus tard il ordonna la dévolution à l'Evêque de Californie et à ses successeurs des créances et autres biens encore invendus, tout en se réservant expressément, par le décret du 3 avril 1845, la faculté de disposer du produit des biens vendus dont les intérêts sont précisément l'objet de cette réclamation.

Cette faculté privative du Gouvernement Mexicain est reconnue par les réclamants. Dans leur réplique envoyée le 21 février 1901, à l'hon. John Hay, Secrétaire d'Etat des Etats-Unis, par MM. Jackson H. Ralston et Frederick L. Siddons, avocats des Evêques catholiques romains de Californie, se trouvent les mots suivants: "No dispute has ever been raised as to the right of the Mexican Government to adminis ter the property in question Mexico must continue the trust relation which she has herself assumed. . . It should be borne in mind that we never have had or made any claims to the principal. From its origin it has been in the hands of trustees: First the Jesuits, then in the Spanish crown, then in the Government of Mexico, then in the bishop under the law of 1836, then from February 8, 1842, again in the Mexi can Republic. All of these changes were accomplished by law, the act of the sovereign."

VI.

L'usage fait en 1842 par le Gouvernement Mexicain du droit souverain de recouvrer la faculté d'administrer le fonds et d'en affecter le produit sans aucune intervention de l'Eglise Catholique des Californies, ne peut être considéré en droit comme la cause d'un dommage fait à la partie réclamante: "qui jure suo utitur neminem lædit." Par cette même raison, le fait que le Gouvernement Mexicain, du moment où cessa son autorité sur la Haute Californie, concentra sur la Basse Californie ses soins et sa protection tant dans l'ordre civil que dans l'ordre ecclésiastique, et que dès lors il cessa d'appliquer à la Haute Californie les rentes destinées à stimuler les missions catholiques, ce fait ne peut pas justifier davantage les réclamations contre la République Mexicaine.

Les missions des Jésuites dans cette contrée n'existaient plus; les habitants n'avaient plus besoin de recevoir du Mexique des provisions, des habillements et autres ressources pour subsister; leurs terres étaient destinées à être cultivées, elles le furent en effet et devinrent merveilleusement productives. Etant donné ces circonstances, le Gouvernement avait la faculté "discrétionnelle" en sa qualité de fideicommissaire, substitué aux Jésuites, d'employer les produits du Fonds à d'autres missions sans donner lieu par là à aucune censure, plainte ou réclamation de qui que ce fût et conformément en tous points à la volonté des fondateurs, exprimée dans l'acte de constitution du Fonds d'après les mots textuellement cités plus haut.

VII.

L'exagération de la demande, ou plus pétition se démontre de plusieurs manières, et tout en me réservant de présenter au cours de la procédure une liquidation qu'il n'a pas été possible d'achever jusqu'à présent, je crois devoir faire les remarques suivantes:

D'abord, il est bien évident que la demande faite aujourd'hui du paiement en monnaie d'or Mexicaine des intérêts réclamés s'autorisant de ce que d'autres interêts du même capital furent payés de cette monnaie, en vertu du jugement rendu en novembre 1875, équivaut à demander le double du montant de l'intérêt à 6 pour cent sur leque, un droit a été allégué. La raison en est que personne ne l'ignoreen 1875 la valeur de l'or par rapport à celle de l'argent était presque exactement de 16 à 1 tandis qu'aujourd'hui cette proportion s'élève à plus du double de cette valeur. Or, les biens du Fonds Pie furent estimés en piastres argent, ils furent vendus pour la valeur représentée par cette monnaie, et le produit de leur vent fut reconnu par le Gouvernement Mexicain en faveur dudit fonds. Le Mexique n'a pas eu et n'a pas encore aujourd'hui d'autre étalon pour sa monnaie, que la piastre argent; il ne frappe d'or que pour une somme très minime et cette monnaie n'est pas en usage dans les transactions commerciales. Lorsque les réclamants demandent à titre d'intérêts cette somme en dollars, ils parlent des piastres de leur pays, qui ont cette dénomination, bien entendu parce qu'elles sont en or. L'or Mexicain dont ils parlent vaut un peu moins que l'or américain; mais dans tous les cas, les dollars d'or mexicains ont une valeur double de celle des piastres en argent; la seule monnaie au moyen de laquelle les intérêts du Fonds Pie devraient étre payés s'ils étaient dus aux réclamants.

La prétention des Evêques Californiens est donc usuraire lorsqu'ils réclament non le 6 pour cent du capital mais plus de douze pour cent

par an.

Un autre point sur lequel la réclamation est exagérée, c'est lorsque, ne se bornant plus à exiger la moitié des intérêts du capital, ce qui serait déjà excessif, considérant que l'autre moitié devrait revenir aux missions de la Basse Californie les réclamants formulent une demande des 85 pour cent en s'appuyant sur le fait que cette proportion est celle qui existe entre les populations de la Haute Californie des Etats-Unis et de la Basse Californie du Mexique. On oublie en raisonnant de la sorte que le Fonds avait été destiné à la conversion des sauvages et à l'amelioration de leur sort, et non à la population tout entière des Californies. Pareil raisonnement serait admissible si toute la population des deux Californies était composée d'Indiens sauvages. Une telle prétention est insoutenable et démontre uniquement le zèle immodere dans l'espéce des avocats et des conseillers des réclamants. Pour satisfaire à l'esprit de la volonté des fondateurs, on devrait considerer non la proportion de la population totale des deux Californies mais celle qui existe entre les Indiens non convertis et non civilisés de l'une et de l'autre. Et il est bien avéré que dans la Californie Americaine il n'y en a pas beaucoup et peut-être pas un seul, qui se trouve dans la situation prévue.

Un autre excès de la réclamation consiste à faire entrer les biens appartenant au Marquis de las Torres de Rada dans la valeur de ce qui est réclamé. Le montant de ces biens constitue indubitablement la plus grande part de la réclamation et cependant il n'y a pas de motif légal pour les réclamer. Cette assertion étonnera sans doute les réclamants qui se sont livrés à une étude très détaillée de tout ce qui concerne la donation des dits biens au Fonds Pie; mais il faut tenir compte que tout récemment on a découvert dans l'archive générale de la République des données très importantes établissant ce point. Ces donnés se trouvent dans le livre imprimé au XVIIIe siècle, que je présente avec cette réponse et dont l'autenticité sera bien et dûment établie. Ce livre prouve qu'un procès très étendu fut suscité par la succession du Marquis de las Torres de Rada et que le jugement final, rendu par le Conseil Suprême des Indes en Espagne, à cette époque tribunal de dernier ressort, déclara nuls et non avenus les inventaires et les estimations des biens qui, laissés à sa mort par le Marquis sus-mentionné, et nulle et sans aucune valeur l'adjudication qui fut faite de ces biens à la Marquise sa veuve. Ce jugement, rendu en dernière instance laissa sans effet. les volontés de la Marquise Douairière de las Torres de Rada, et par la même sentence, celle du Marquis de Villa Puente exprimées dans le testament que ce dernier fit au moyen d'une procuration pour tester au nom de la Marquise. Or, ce testament fut la base de la donation que tous les deux firent au Fonds Pie, de biens qui ne leur appartenaient pas légalement.

Je n'insiste pas davantage sur ce point et je me rapporte au livre que je présente et principalement au jugement par lequel il se termine et dont l'original, d'après ce qu'il sera établi à l'occasion, se trouve à l'archive Espagnole du Conseil Suprême des Indes. Il n'est point douteux que la donation des biens d'autrui faite par la Marquise au Fonds Pie fut nulle d'après le principe bien connu. "Nemo plus juris transferre potest quam ipse haberet." Il y aurait donc à déduire de la somme réclamée par les plaignants au moins la valeur des biens dont il s'agit.

En conclusion, il me paraît qu'il a été demontré:

1. Que les réclamants n'ont pas de titres à se présenter comme fideicommissaires légitimes du Fonds Pie des Californies.

2. Que l'Eglise de la Haute Californie n'a pas le droit d'exiger du Gouvernement Mexicain le paiement des intérêts pour le capital du Fonds supposé.

3. Que les titres invoqués par l'Archevêque et l'Evêque réclamants sont sans force dans ce cas, où sont éteints, d'abord en vertu du traité de Guadalupe Hidalgo qui prononça l'extinction de toutes les créances des citoyens des Etats-Unis envers la République Mexicaine, en la libérant de toutes réclamations fondées sur des créances à sa charge existant le 2 février 1848, en faveur des dits citoyens, comme on le voit dans les articles 14 et 15 du traité. Même sans cette convention, le droit des réclamants serait éteint en vertu des lois générales successivement votées en cette République et auxquelles, sans aucun doute, le sens qui constituait le Fonds Pie se trouvait assujetti.

4. Que le véritable but de ce Fonds, l'objet auquel il était destiné, était la conversion des Indiens sauvages au christianisme ainsi que leur civilisation. Etant donné qu'il n'existe plus d'Indiens sauvages, il serait sans application dans la Californie.

5. Qu'au Gouvernement Mexicain seul appartient le droit de donner dans son territoire ou en dehors de celui-ci, une application quelconque au Fonds, sans qu'il soit tenu de rendre compte aux Evêques de la Californie de ses actes à ce sujet.

6. Que si les demandeurs avaient un droit à réclamer des intérêts, ils n'auraient pas le droit d'exiger la somme qu'ils demandent et qui est excessive car ils estiment en or des sommes qui ont été calculées ne piastres argent. La différence entre ces deux espèces de monnaie n'est pas la même aujourd'hui que celle qui existait en 1875 à l'époque où le Mexique fut condamné à payer d'autres intérêts en or. D'ailleurs la portion des intérêts correspondant à la Haute Californie est évaluée sur la population et non sur le nombre des Indiens qui sont à convertir. Cette somme est encore d'une plus grande exagération; l'on veut comprendre dans la valeur du Fonds Pie les biens donnés par la Marquise de las Torres de Rada, dont la donation fut annulée comme le révèlent les documents nouvellement découverts.

Pour ces motifs et pour ceux qui seront allégués plus tard au nom du Gouvernement Mexicain, je demande respectueusement au tribunal de rejeter la réclamation proposée contre ce Gouvernement par les représentants de l'Eglise Catholique de la Californie, réclamation opposée en général à la justice et spécialement au traité de paix et d'amitié en vigueur entre la République Mexicaine et les Etats-Unis d'Amérique.

Mexico, le 6 août 1902.

Le Ministre des Affaires Etrangères,

IGNACIO MARISCAL.

REPLICATION OF THE UNITED STATES OF AMERICA TO THE ANSWER OF THE REPUBLIC OF MEXICO IN REPLY TO THE MEMORIAL RELATIVE TO THE PIOUS FUND OF THE CALIFORNIAS.

Sr. Don. Ignacio Mariscal, minister of foreign affairs of the Republic of Mexico, having offered to this honorable court an answer to the memorial of the United States, it has seemed incumbent upon the undersigned to present for the consideration of this tribunal what may be regarded as in the nature of a replication thereto, and in so doing the paragraphing of the answer will be followed.

I.

Under the head of Paragraph I, the distinguished secretary contends that no law later in date than October 24, 1842, granted to the Californias the right to receive and apply to their enterprises the annuity of the Pious Fund. The existence of a later law was not necessary, for, apart from the legal and equitable right of the bishop to administer the fund in question, the act of April 3, 1845, recognizes him as the proper beneficiary, and even before that date, during the continuance of the decree of October 24, 1842, and on April 23, 1844, and, as is believed, on other dates, payments on account of the income belonging to the Pious Fund of the Californias were ordered to be made to him (Transcript, p. 149). This sufficiently disposes of the suggestion that the Mexican Congress having, in the act of April 3, 1845, reserved the right to decide as to the proceeds of property sold, the bishop was not the proper recipient of funds chargeable on account thereof, for a practical interpretation covering the matters reserved in the law of April, 1845, had been given to the law of October, 1842, and further congressional action was needless, and none in fact took place.

II.

Even if no perfect right had existed in the Catholic Church of Upper California to administer the Pious Fund of the Californias, or to demand the perpetual interest thereon provided for by the Mexican decrees (a proposition we deny), nevertheless, in the eye of a court of equity dealing with the subject-matter upon broad principles of right, the Catholic Church, through its accredited officers, would have been the proper recipient of the interest upon the fund. And this equitable, and, as we contend legal, right also, was conclusively recognized by the Mexican Government, as has been fully discussed in the brief of the agent and counsel of the United States, pages 55 and 56. For further considerations relative to the question of legal right, we also refer to the argument of Messrs. Stewart and Kappler.

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